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Le Contrat du Chocolat II – Chapitre 2

Cette histoire n’est pas destinée à un public jeune !

Dans cette histoire, il y a :

-de la violence gratuite (beaucoup)
-une énorme consommation de cannabis
-une énorme consommation de tabac
-des armes à feu et des armes blanches (trafic et utilisation)
du langage vulgaire

Bien entendu, je n’encourage ou ne cautionne aucune de ces choses-là !

Comme pour Le Contrat du Chocolat, il s’agit d’une histoire à prendre au second degré qui, je l’espère, vous amusera (au moins un petit peu !^^)

Mauvaise rencontre

Félix regrettait d’avoir accepté. Vraiment. Alors qu’Opaline, la fille de Fly et de sa femme Douce, lui faisait un rapport de tout ce qu’elle avait appris sur Royal Kelensor, le Chat se sentait de moins en moins confiant. Le Dindon était vraiment un énorme psychopathe. Il était, de surcroît, tellement insaisissable et invulnérable qu’une rumeur courait sur lui : il aurait en lui des vestiges de magie datant d’il y a plusieurs siècles qui feraient de lui un super-animal, supérieur à tout autre. Il ferma les yeux, bercé par la jolie voix de sa nièce, une adorable siamoise aux grands yeux bleus perçants, qui lui racontait malheureusement des horreurs. Opaline était nettement plus intelligente que son père — et que sa mère, d’ailleurs — et Félix s’adressait toujours à elle quand il lui fallait des informations. Et quelles informations, en l’occurrence ? Pris d’une soudaine inspiration, l’esprit de Félix lui donna une vision du futur : un simple flash, suffisant néanmoins pour que le Chat ait une vision très claire de ce que serait son éloge funèbre. Probablement prononcé par une Nuage effondrée, il serait dans ce goût-là :

Félix Mardoner était plus qu’un simple frère, oncle, neveu ou cousin. Félix Mardoner était plus qu’un simple leader charismatique et extraordinaire de son Clan et de sa famille. Félix Mardoner était un être incroyable, au rayonnement exceptionnel! Un être quasiment divin, que nous pleurerons éternellement, et qui manquera à tout Faunsinland! Félix, ô, mon Félix, pourquoi nous as-tu quittés, toi qui nous apportais quotidiennement joie, richesse et contentement? Monde cruel, pourquoi as-tu pris notre Félix, notre merveille, notre dieu?!

— Félix ?

Le patriarche de la famille reprit conscience de la réalité, et il sourit à Opaline, étrangement satisfait par ce magnifique éloge — qui, dans la réalité, ne serait pas identique strictement à celui imaginé, mais qui s’en approcherait, car rien de ce que Félix avait imaginé n’était faux. Il était vraiment un être exceptionnel qui apportait le bonheur autour de lui. (Et il était très modeste, avec ça !)

— Je te remercie pour ce long étalage des atrocités commises par Royal Kelensor, Opaline ! Est-ce que tu sais où il se cache ?

Dis non, dis non, dis non, dis non…

— Oui, je crois que je sais !

Opaline avait l’air toute fière d’elle — et, en toute objectivité, elle avait raison de l’être. Félix, cependant, eut beaucoup de mal à conserver son sourire.

— Génial ! répondit-il en s’allumant un joint.

Il allait avoir besoin de beaucoup de cannabis. Beaucoup, beaucoup de cannabis.

 

Félix n’était pas à son aise. Il était accompagné par un drone armé d’un fusil mitrailleur, par son cousin Angel et sa cousine Diamant, la sœur de Fly. Diamant était une Chatte tricolore, au pelage noir, blanc et roux et aux grands yeux vert très clair. Elle était plus intelligente que son frère, mais avait un beaucoup trop mauvais caractère pour être supportable sur le long terme. Par chance, Félix arrivait à la calmer en utilisant son point faible : les chocolats au cannabis. Il en avait des réserves d’avance, et avait acheté la participation de Diamant à ce coup foireux en lui offrant un nombre conséquent de paquets. C’était le bon vieux temps, lorsque les Lapins l’appréciaient encore… un état de grâce ayant pris tragiquement fin trois jours plus tôt. Comme Félix regrettait ces temps immémoriaux et prospères ! Réalisant qu’il en faisait peut-être un peu trop, il se racla la gorge. Il prit un choco-cannabis à Diamant qui grogna, mécontente, et il déclara qu’il était d’entrer dans le bâtiment. Ce dernier était un immeuble abandonné, situé dans un quartier très louche de Faunsinland où la prostitution était particulièrement présente : les Rats dominaient par conséquent la zone, et ils n’étaient pas en de très bons termes avec les Chats. L’arrivée des trois Mardoner n’était pas passée inaperçue, et il fallait espérer que cela n’allait pas générer encore plus de problèmes.

— Reste derrière nous, Félix, ordonna sèchement Diamant. Si tu te fais buter, je ne veux pas m’en sentir coupable, alors essaie de survivre, du con !

— Tant de douceur et d’affection dans ces mots, chère cousine, je ne peux qu’obéir !

Elle grogna, mangea un peu de choco-cannabis et ils entrèrent dans l’immeuble.

Les informations d’Opaline indiquaient que Royal logeait au dernier étage, et était actuellement ailleurs — raison pour laquelle les trois Chats et le drone étaient là. Ils comptaient fouiller sa planque, et attendre patiemment son retour. Un plan parfait, élaboré par Félix lui-même — il était, après tout, le seul cerveau fiable de sa famille.

L’heure d’un petit slogan pour célébrer ce supeeeeeeerbe plan !

Félix Mardoner, avec lui, vos missions feront toujours un malheur !

L’ascension jusqu’au dernier étage fut interminable, et Félix envisagea sérieusement de faire une petite pause pique-nique au milieu de l’ascension. Diamant le poussa violemment dans le dos lorsqu’il le suggéra, et il râla en s’époussetant. Ils arrivèrent paradoxalement trop vite face à la porte de l’appartement du terrible Dindon, et le patriarche des Mardoner se gratta l’arrière de la tête.

— Il faudrait crocheter la serrure… Drone, tu peux t’en charg…

Angel explosa la porte d’un coup de pied puissant, et Félix cligna des yeux.

— C’est une solution, oui ! Allons-y !

Ni Angel, ni Diamant n’avaient attendu son ordre avant d’entrer dans l’appartement plongé dans le noir. Même le drone n’avait pas attendu les ordres de son concepteur, ce qui était tout bonnement inacceptable ! Il allait devoir se charger du cas de ce tas de ferraille. Plus tard, cependant, car pour l’instant, le chef du clan des Chats devait s’engouffrer dans l’antre de son ennemi. Une très forte odeur de lavande envahit ses narines, et il se mit à éternuer, comme ses deux accompagnateurs. En bons Chats, ils détestaient cette odeur, surtout diffusée en si grande intensité.

— Bordel de merde, il cultive des champs de lavande ce bâtard ou quoi ?!

Personne ne put répondre à Diamant, trop occupés qu’ils étaient tous à tousser, à éternuer et à pleurer. Courageusement, le drone avança dans l’appartement. Il y eut un léger bruit et une grande quantité d’eau tomba en plein sur le drone. En toute logique, ce dernier ne devrait pas en être le moins du monde affecté : il pouvait être immergé au fond des mers sans l’ombre d’un problème ! (en mettant de côté la pression, et deux ou trois autres trucs aussi, hein ! mais disons qu’en termes d’imperméabilité, ce drone est au taquet !)

La logique ne s’appliqua absolument pas lorsque le drone se mit à fondre. Dans un même temps, malgré l’horrible lavande omniprésente, les Chats sentirent une autre odeur.

— PUTAIN C’EST DE L’ACIDE ! hurla Diamant, horrifiée.

Et quel acide ! Capable de faire fondre sur place un drone d’excellente qualité. La lumière de l’appartement s’activa, de manière très théâtrale, et Royal Kelensor apparut sous les yeux ébahis des félins. Assis sur un fauteuil, dans un coin de la pièce, le Dindon était absolument énorme. Il devait approcher des 2 mètres 20, et il était extrêmement musclé. Sa tête était bleu clair avec de grands yeux marron tirant clairement vers le rouge. Il avait un grand bec orange acéré, et la pendeloque qui se trouvait au-dessus était rouge vif et très grande. Elle était à l’image des énormes fanons gulaires qui pendait sous la gorge du Dindon. Il portait des vêtements de sport noirs qui laissaient un peu de ses plumes apparaitre : il s’agissait de belles plumes noires, vertes et bleues foncées, qui brillaient comme si elles étaient recouvertes d’huile. Le fusil mitrailleur qu’il tenait paraissait presque petit, entre ses mains dont les doigts se terminaient par des serres aiguisées. Clairement pas à son aise, Diamant échangea un rapide coup d’œil avec Angel. Ce dernier paraissait mal à l’aise, presque… effrayé.

Angel Mardoner n’avait peur de rien.

Diamant se sentit paniquer bien malgré elle et son fort tempérament. Le Dindon émit un ricanement moqueur, apparemment capable de sentir la peur chez les autres Animaux.

Comme s’il avait vraiment des pouvoirs magiques.

La Chatte se tourna vers Félix, consciente que son pauvre cousin devait être absolument terrorisé. Il avait le regard hagard, fixé sur les restes du drone. Le pauvre avait si peur qu’il en était tétanisé.

— Nooooon, mon pauvre petit drone ! se mit-il à crier, faisant sursauter tout le monde, y compris Royal.

Le patriarche des Mardoner fondit sur sa machine, n’ayant visiblement même pas remarqué Royal. Ou alors, peut-être qu’il s’en foutait. Il s’accroupit et examina son drone en grimaçant, avant de relever la tête vers Royal. Ce dernier le fixait d’un air clairement sceptique, ne s’attendant visiblement pas à ce que Félix fasse preuve d’un tel sang-froid.

Le Chat était, bien évidemment, terrifié. Pas au point, cependant, de négliger un pauvre drone à terre !

— C’est absolument monstrueux ! Quel traitement odieux ! Mon pauvre drone était innocent, il n’avait absolument rien fait de mal !

— Félix, souffla Angel sans lâcher le Dindon du regard.

Le tueur à gages était de plus en plus sidéré, mais il demeurait immobile et n’avait pas encore ouvert le feu. Le canon de son arme n’était même pas pointé vers eux. Cela fit tilter Diamant. Ils n’étaient pas dans un de stupides films où le méchant se pavanait sans rien faire devant des gentils qui ne faisaient que l’écouter sans agir ! Elle prit donc son propre fusil mitrailleur et ouvrit le feu sur le Dindon, oubliant un léger détail au passage : Eclipse Guerindor voulait Royal Kelensor vivant. C’est ce que Félix et Angel lui crièrent tous les deux dès qu’elle ouvrit le feu, mais il était trop tard.

Les événements s’enchainèrent ensuite très vite, trop pour que les Chats puissent comprendre ce qu’il se passait. Les balles s’arrêtèrent littéralement dans les airs à une dizaine de centimètres du Dindon, comme si elles s’étaient logées dans un mur invisible. Elles furent renvoyées sur Diamant alors que son arme et celle d’Angel étaient arrachées de leurs mains par une force surnaturelle. Les trois Chats se mirent à hurler, alors que le Dindon riait, intouchable. Diamant s’effondra par terre, touchée à de multiples reprises par ses propres balles. Angel attrapa une chaise à proximité et la jeta sur lui, prenant le tueur à gages sincèrement par surprise. Le temps pour le Dindon de tirer sur la chaise pour éviter de se la prendre en pleine tronche et le Chat était déjà sur lui. Le combat s’engagea, d’une grande violence, alors que Félix se jetait aux côtés de sa cousine en pleurnichant, effondré. Elle gisait dans son propre sang et ne bougeait plus du tout.

— Noooon ! Tu étais trop jeune pour mourir ! Diamaaaaaaant !

— Je suis pas morte, connard !

— J’entends encore ta voix, comme si tu étais parmi nous !

Fournissant un effort sur-animal, elle attrapa Félix par l’oreille, le faisant hurler de peur, douleur et surprise.

— TU T’ES ZOMBIFIÉE !! AAAAAAAAAH !

Son hurlement déconcentra Angel, qui peinait déjà à lutter contre l’énorme Dindon surentraîné. Le tueur à gages profita immédiatement de cet état de faiblesse momentanée pour poignarder Angel à l’abdomen. Il se saisit ensuite du Chat et le projeta en arrière, l’envoyant voler à travers la pièce. Angel passa à travers la fenêtre et alla s’écraser sur le trottoir, six étages plus bas. Cela fit hurler Félix deux fois plus fort, alors que sa cousine zombie hurlait elle aussi, lâchant enfin son oreille. Le patriarche se leva d’un bond et mit de la distance entre Diamant et lui, malgré une faible petite voix — nommée bon sens — qui résonnait au fond de son crâne et lui hurlait d’arrêter d’être con. Félix poussa un miaulement paniqué lorsque le Dindon lui attrapa le bras et braqua un pistolet sur sa tempe.

— Félix Mardoner, en personne ! Quel incroyable plaisir !

Le patriarche ouvrit la bouche pour répondre quelque chose. Une réplique badass, comme dans un film. Il se souvint soudainement de l’une de ses répliques de film préférées, un film d’action nommé BEAUCOUP TROP DE FLINGUES POUR TROP PEU DE TIREURS. Sweetie y jouait l’un des rôles principaux et y incarnait une mercenaire dure à cuire au grand cœur qui luttait contre un gang d’Animaux divers et variés dont l’objectif était d’empoisonner la totalité des habitants de Faunsinland. À un moment du film, le personnage de Sweetie — nommé SuperStar — réussissait à terrasser sa némésis, un autre mercenaire sans pitié qui avait tué sa famille — un Canin nommé Flingue. Au moment de lui exploser la tête, juste avant d’appuyer sur la détente, elle avait lâché cette superbe réplique : « Je crois que ce Flingue a besoin qu’on lui charge une bonne balle ». Il était temps pour Félix de se montrer aussi éloquent et inspiré que le meilleur personnage que sa sœur ait jamais joué ! Il pouvait voir le scénario du film d’ici :

ROYAL attrape FÉLIX par le bras. Félix miaule, effrayé, et se tourne vers Royal.

ROYAL

Félix Mardoner, en personne ! Quel incroyable plaisir !

FÉLIX

Plaisir non partagé. Et je t’emmerde royalement, mon gros.

La réplique n’était pas aussi inspirée que celle de SuperStar, mais il s’en contenterait pour l’instant ! Encore fallait-il articuler des mots, ce que le Chat était brutalement incapable de faire.

— Je vais prendre un grand plaisir à te dépecer, Félix, mais je ne le ferai pas sans un public intéressé ! Allez, viens !

Le canon appuya sur sa joue et le Chat se mit en mouvement, toujours incapable de parler. Il n’avait clairement pas l’attitude d’un dur à cuire. Il n’émit aucune protestation et n’offrit aucune résistance alors qu’ils se dirigeaient vers la sortie de l’immeuble. La descente interminable des marches était particulièrement glauque, mais Félix était comme court-circuité. Ce ne fut qu’en arrivant sur le trottoir qu’il réussit à articuler quelque chose.

— Public intéressé ?!

— Je vais vendre ton exécution à quelqu’un qui ne peut pas te saquer, répondit tranquillement le Dindon.

— Je n’ai absolument pas compris ce que vous venez dire, répondit sincèrement le Chat.

— Ta mort est un spectacle et je connais plus d’une personne prête à payer cher pour y assister ! Je vais donc trouver quelqu’un d’intéressé, t’infliger autant de tortures qu’il me le demandera — et j’espère qu’il m’en demandera beaucoup — puis je te tuerai de la manière dont il me le demandera ! Tu m’as suivi, là ?

Ils étaient déjà dans une ruelle voisine. Ils avançaient vite, et le Dindon savait apparemment parfaitement où il allait. Félix était vraiment foutu. Lui au moins était encore en vie, contrairement à Diamant et Angel. Cette réalisation le frappa brutalement, et il se mit soudainement à crier, faisant sursauter le Dindon.

— NOOOOOON !

Il s’effondra à genoux en pleurant, échappant de manière miraculeuse à la poigne de fer du tueur à gages qui le regarda faire, interdit. Royal se gratta l’arrière de la tête, hébété.

— Allez, c’est pas si horrible, tu vas bientôt les rejoindre, de toute façon !

Il essayait maladroitement de consoler le Chat, mais ce dernier était inconsolable. Il y eut un bruit métallique, suivi par cinq détonations. Les balles, venant du bout de la ruelle, s’arrêtèrent une nouvelle fois à quelques centimètres du Dindon et furent automatiquement renvoyées sur leur tireur. Ce dernier jura et fut assez rapide pour se cacher derrière un mur, étant ainsi épargné par les balles.

— Bordel, c’est quoi ça ?!

La voix était hautement reconnaissable pour Félix, qui sentit un grand désespoir l’envahir.

— Canaille Guerindor en personne ! Je suis impressionné !

Le Dindon était moqueur, visiblement ravi de pouvoir ajouter la tête de Canaille à son tableau de chasse.

— Laisse Mardoner tranquille, bâtard !

— Je vais bien évidemment t’obéir alors que tu ne peux absolument rien faire contre moi !

Félix suivait l’échange attentivement, malgré le brouillard qui submergeait son cerveau. Canaille Guerindor était là et voulait l’aider, mais il allait finir comme son cousin et sa cousine.

— NOOOOOOOOON !

Félix se remit à pleurer, et cela fit à nouveau sursauter le Dindon. Canaille profita de la déconcentration du Gallinacée pour fondre sur lui et engager un combat au corps à corps. Royal était incroyablement fort et incroyablement entraîné. Il n’était pas prêt, cependant, à prendre une cigarette allumée dans l’œil. Il hurla, fou de rage, alors que Canaille en profitait pour lui mettre une balayette. Le Lapin attrapa ensuite Félix par le bras et le traina à sa suite, ne perdant pas de temps. Il le ramena vers l’immeuble dont il provenait, et le patriarche se remit à pleurer en pensant à la pauvre Diamant et au pauvre Angel. Une grosse camionnette noire se trouvait devant, et Canaille se dirigea droit vers elle. La porte arrière s’ouvrit, et le Lapin jeta presque Félix à l’intérieur avant de grimper à sa suite. Il referma les portes au moment où Royal arrivait en visuel et ouvrait le feu sur eux. Par chance, la camionnette était blindée et encaissa les balles sans problème.

Félix essuya ses yeux embués et prit connaissance de ce qui l’entourait : Caoutchouc Guerindor, Pacha Guerindor et Sweetie s’occupaient d’Angel et Diamant, qui grognaient et miaulaient, mécontents et en piteux état.

— C’EST DES ZOMBIES ! hurla Félix, horrifié.

Tout le monde sursauta, et Canaille cligna des yeux, sincèrement effaré. Sweetie grogna et mit une petite claque derrière la tête de son petit frère.

— Ils sont vivants, abruti ! On va les emmener à l’hosto et…

— DES ZOMBIES ?! hurla brutalement Pacha.

Son tout petit cerveau avait mis du temps à comprendre ce que racontait Félix, et il était à présent complètement paniqué. Il hurla qu’il fallait s’arrêter, descendre de la camionnette ou carrément descendre les « zombies ». Il était énorme, armé d’un fusil à pompe et complètement débile. Canaille regrettait de l’avoir emmené, mais il avait honnêtement été pris de court et avait rameuté ce qu’il pouvait.

— CALME-TOI, GROS DÉBILE ! hurla Caoutchouc, exaspérée par son cousin.

Lorsqu’il braqua son fusil sur Diamant, qui se mit à l’insulter copieusement, Canaille arracha l’arme des mains de son cousin et en utilisa la crosse pour le frapper violemment à l’arrière de la tête. Force de la nature qu’il était, Pacha encaissa le coup avec un simple grognement, mais cela parut lui générer miraculeusement quelques terminaisons nerveuses jusqu’à présent inexistantes, car il se calma suffisamment pour écouter Sweetie lui expliquer gentiment que Diamant et Angel n’étaient pas des morts vivants, même s’ils étaient actuellement plus morts que vifs, comme le grogna Angel. Canaille s’alluma une cigarette avant de fixer Félix, cherchant à savoir si le patriarche était lui aussi convaincu que ses cousins étaient vivants et non des zombies. Il le regarda se détendre alors que les minutes s’écoulaient, jusqu’à ce que Félix finisse par esquisser l’un de ses fichus sourires qui semblaient toujours cacher quelque chose de pas net — comme le Chat lui-même, d’ailleurs.

— Qui est au volant ?

— Opaline, répondit Sweetie.

Félix acquiesça, un peu soulagé : Opaline était fiable. Pas comme Nougat ou Fly.

— Bien. Je pense que l’on va avoir beaucoup de choses à se dire, mais d’abord : allons déposer Angel et Diamant à l’hôpital.

 

Félix, Sweetie et Nuage faisaient face à Caoutchouc, Pacha et Canaille. Les six Animaux étaient attablés à la table géante de Félix, qui avait insisté pour que tout le monde mange et boive quelque chose après les « événements traumatisants » dont ils avaient tous été victimes. En toute franchise, les Lapins n’avaient pas vraiment traversé quoi que ce soit de traumatisant — ce n’était pas des membres de leur Clan qui étaient à l’hôpital —, mais Caoutchouc et Pacha paraissaient tous les deux ravis de pouvoir manger à la table du patriarche des Chats. Il était, apparemment, réputé pour savoir recevoir. Ses domestiques robotiques ajoutaient un charme futuriste à ses dîners, de surcroît, et seul Canaille y était insensible.

— Donc, si je résume, Sweetie, ma grande sœur adorée, vous a appelé, Canaille ?

— Je lui ai dit que tu allais te faire défoncer par Royal Kelensor et qu’il fallait qu’il vienne t’aider, confirma Sweetie.

Elle fit ensuite un sourire tendre à Caoutchouc, qui émit un petit rire charmé. Elles étaient incroyablement amoureuses, et Félix sentit son petit cœur fondre devant le mignon petit spectacle qu’elles offraient.

— Ouais, c’est ça, confirma rudement Canaille. Par contre, Sweetie ne m’a pas dit pourquoi les Chats voulaient la peau de Kelensor. Ni pourquoi vous vous êtes pointé en personne, Monsieur Mardoner. Le prenez pas mal, mais vous êtes pas exactement taillé pour l’action !

Le patriarche sourit, pas le moins du monde vexé, bien au contraire. Canaille le connaissait si bien ! Il ouvrit la bouche pour le corriger et lui demander de l’appeler « Félix », mais le vague souvenir de leur dernière interaction l’empêcha d’articuler le moindre mot. Il sentit sa joie s’évaporer et se renfrogna de manière très visible, ce qui fit régner une ambiance étrange dans la pièce. Canaille lui lança un regard sceptique et Félix détourna le regard, n’ayant pas du tout envie de s’embarrasser en fixant le Lapin. Il sentait déjà la gêne et une pointe d’agacement l’envahir, inutile d’en rajouter.

— Comme vous le savez sûrement, mon cher grand frère Nougat a eu… un esclandre avec Pacha Guerindor. Par un malheureux accident, un coup de feu a été tiré et…

— Et Biscuit a pris une autre balle dans les fesses ! s’exclama avec dépit Pacha. Je voulais massacrer cet enfoiré de Nougat, mais Tata me l’a interdit !

— Nous avons passé un accord, en effet, confirma simplement Félix. Nous devions utiliser nos ressources pour retrouver Royal Kelensor, mais aussi le capturer vivant et vous le livrer, à vous, honorables Guerindor. Eclipse a particulièrement insisté pour que je participe à titre personnel à cette mission, ce que j’ai accepté de bonne grâce.

Canaille fronça les sourcils. Pourquoi Eclipse avait-elle passé un accord aussi bizarre avec les Chats ? Et surtout, pourquoi avait-elle voulu envoyer Félix vers une mort quasi certaine ?

— Je vais en parler avec ma Tante. Essayer de trouver avec elle un autre truc que vous pourriez faire pour que Nougat soit pardonné.

Pacha frappa la table de son gros poing serré, faisant sursauter tous les Animaux présents.

— Il ne sera jamais pardonné par moi ! JAMAIS !

Canaille roula des yeux, nullement impressionné par ce coup de colère.

— Qu’est-ce que vous allez faire pour Royal Kelensor ? intervint alors Sweetie. Ce type est complètement taré et hyper dangereux !

— On va s’en occuper, comme on était censé le faire depuis que ce bâtard a essayé de tuer Mercure. Je vais faire en sorte qu’on vous mêle plus à ça, sauf peut-être pour des renseignements, et je vais demander à m’occuper moi-même de la traque de Kelensor.

Un mini court-circuit se produisit dans le cerveau de Félix.

— Quoi ?! Non, Canaille ! Il est beaucoup trop dangereux !! Il est énorme et il est fou et il fait de la magie ! On ne peut même pas le toucher avec des balles ! Il doit manipuler le temps, ou l’espace, ou je ne sais pas quoi !

Non, il ne fallait pas que Canaille aille à la poursuite de Royal ! Il allait se faire tuer ! Il allait finir zombifié, comme Diamant ! (Même si, techniquement, elle n’était pas zombifiée…)

Canaille l’observa d’un air dubitatif.

— Wow, j’aurais bien aimé une telle sollicitude l’année dernière, quand vous m’avez envoyé me faire casser la tête face à Crock !

Caoutchouc eut un petit rire cruel et approbateur, et malgré toute l’affection que Félix portait à sa belle-sœur, il eut envie de l’étrangler. Pacha hocha la tête, lui aussi, alors que Nuage et Sweetie demeuraient silencieuses, clairement gênées.

— Il est pire que les Daraengar !! Il fait de la magie !

— Arrêtez avec ça, c’est des conneries !

— Il en fait vraiment ! il manipule l’espace ! Vous l’avez vu vous-même : il a arrêté vos balles en plein vol et vous les a renvoyées !! Demandez à Diamant et Angel, si vous ne me croyez pas !

— Ouais, je sais, j’ai vu, mais c’est pas de la magie ! Je pense que c’est un truc technologique, un machin qui manipule les champs magnétiques, ce genre de chose, j’en sais rien, c’est vous le pro, après tout !

Félix ouvrit la bouche pour protester et démontrer par A plus B que ce que disait Canaille, c’était n’importe quoi, car il était évident que Royal Kelensor était magicien et avait en lui les vestiges magiques des temps anciens de Faunsinland. Il se ravisa cependant.

— En fait, c’est une suggestion extrêmement brillante, Canaille !

Brillante et étrangement familière. Cela plongea Félix en profonde réflexion, qui fut interrompue par un drone lui amenant l’un de ses téléphones portables. Apparemment, il avait reçu des messages urgents. Il y eut un silence étrangement tendu, qui devint encore plus pesant lorsque Félix passa son téléphone à Nuage, puis à Sweetie. La première grimaça, la seconde poussa un juron. Les trois Lapins échangèrent des regards, clairement perdus, jusqu’à ce que Canaille se racle la gorge.

— Il se passe quoi, là ?

— Votre cousin vient d’officialiser une alliance entre les Lapins et les Volatiles, nous écartant nous les Chats au passage.

Canaille mit un certain temps à comprendre ce qu’il disait.

— Hein ?!

— Il a posté un Animapost sur Animaréso, confirma Sweetie en lui tendant le téléphone.

Capture d'un "Animapost", clairement inspiré par les interfaces de twitter. Photo de profil : un lapin blanc avec une couronne sur la tête. Nom du profil : Caesar, le Roi, le Seigneur @emperorcaesar Contenu du message : Trop heureux de cette nouvelle alliance avec mes amis les Volatiles! emoki tête d'aigle, emoji lapin, emoji coeur. Bye bye les Chats ! emoji chat qui pleure. Nombre de Partanimas (= retweets) : 3.6K Nombre de Citanimas (=quote tweets) : 1.5K Nombre d'Animacoeurs (=likes) : 6.6K

— Ah, fut la seule réponse de Canaille.

Ah, en effet. C’était vraiment la merde. Encore une fois.

Et encore une fois, ce gros con de Caesar était à blâmer.

Bordel, Canaille aurait vraiment dû le noyer.

Et voilà le chapitre 2 ! J’ai beaucoup aimé l’écrire, car Félix n’est clairement pas fait pour être au coeur de l’action, et c’est ça qui est drôle ! ^^

J’ai beaucoup aimé créer l’Animapost de Caesar (je suis partie d’un générateur de faux tweet en ligne et j’ai fait des modifications via Canva).

Ä très vite pour le chapitre 3 ! 🙂

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