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Je t’offre mon sourire contre tes larmes – Chapitre 4

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On oublie de souhaiter ce que l'on a

Nathalie se retrouva au milieu du salon de sa maison. Il était plein de décorations de Noël pas encore retirées, et des décorations pour le Nouvel An s’ajoutaient à celles-ci. Comme lorsque son Papa était encore là. Cette année, sa Maman et elle n’avaient rien décoré, et leur maison était toute triste. Pourtant, le calendrier affichait bien la date du jour : le 31 décembre, et l’année était la bonne.

— C’est trop beau !

— N’est-ce pas, ma puce ?

— PAPA !

Elle se jeta dans les bras de l’homme qui venait d’entrer dans la pièce, et il la souleva en riant. Il n’avait pas du tout changé. Il portait les mêmes lunettes rectangulaires et il avait la même odeur. Nathalie se blottit longuement contre lui, folle de joie de le retrouver. Son père finit par la reposer gentiment à terre.

— Je vais dans la pièce d’à côté pour finir les préparatifs du repas de ce soir. Je reviens.

— D’accord Papa !

Il disparut à côté, laissant la petite fille s’émerveiller toute seule.

— Tu es contente ?

La voix de Noctalia la sortit de ses pensées, et elle hocha vigoureusement la tête.

— Oui ! Merci beaucoup, Madame ! C’est parfait !

— Bien. Je vais te laisser profiter de ta vie retrouvée.

— Et Youssoupha ? Il est où ?

— Chez lui. Tu peux sortir pour aller le voir, si tu veux. Je te rappelle que tu es de retour dans ton monde. Et dans ton monde, vous vivez chacun de votre côté !

— C’est vrai, j’avais oublié ! Mais je ne sais pas où il habite…
— Tu le reverras à la rentrée, alors. Ou tu peux toujours demander à ton père de t’emmener lui rendre visite.

Nathalie hocha la tête avec enthousiasme, et Noctalia lui fit un petit salut de la main avant de disparaitre.

 

Pendant ce temps, Youssoupha était lui aussi de retour chez lui. Mais il n’était pas rentré dans son petit appartement, non : c’était un nouveau chez lui. Une maison immense, gigantesque, digne d’un palais de roi ! Le premier réflexe du petit garçon fut de penser qu’il n’était pas chez lui, mais il reconnut un portrait photographique de lui qui avait été fait deux ans plus tôt. Il était normalement suspendu dans le salon de son appartement, à côté d’une photographie de mariage de ses parents et d’une photographie des quadruplés lors de leur deuxième anniversaire. Là, il n’y avait que lui. Les autres étaient probablement accrochées ailleurs dans cet immense palace.

— Bonjour, Monsieur Youssoupha.

L’enfant fit de grands yeux ronds alors qu’un homme faisait son apparition dans la pièce. Il était habillé comme un majordome, et il avait un air très sévère. Il était très maigre, et son regard manquait de chaleur.

— Bonjour, répondit le garçon timidement. Qui êtes-vous ?

— C’est Arnold, ton majordome !

Noctalia venait d’apparaitre à son tour.

— Un majordome ? Pour quoi faire ?

— Tout ! Il va gérer cette maison et s’assurer que tu ne manques de rien.

— Il n’y aura pas de tâches ménagères à faire ?

— Il s’en occupe.

— Trop génial ! Et Nathalie ? Elle a retrouvé son Papa ?

— Oui, répondit Noctalia avec un gentil sourire. Tu pourras la voir à la rentrée. Même avant si tu sais où elle habite.

— Merci beaucoup Madame ! Maman et Papa doivent être trop contents !

La dame l’observa d’un regard qu’il trouvait un peu étrange.

— Arnold va te montrer ta chambre. Bienvenu dans ta nouvelle vie, Youssoupha !

Elle disparut ensuite et laissa le garçon seul avec son majordome. Ce dernier l’amena dans sa gigantesque chambre, qui était accolée à une grande salle de bains et à une salle de jeux dédiée aux jeux vidéo. Il laissa ensuite le garçon profiter de sa nouvelle maison, ce que Youssoupha ne se priva pas de faire. C’était un palace paradisiaque, et après avoir joué un peu, le garçon l’explora de fond en comble. Très vite, cependant, il sentit une profonde lassitude l’envahir. Les merveilles de ce palace n’avaient pas grand-chose à lui offrir, car il se sentait très seul. Il n’avait trouvé ses parents et ses frères et sœurs nulle part, et tout était très silencieux. Il n’y avait pas de photographies d’eux, et Youssoupha commençait à s’inquiéter. Où était passée sa famille ?

— Arnold ?

Le majordome surgit dans la pièce. Il avait cette capacité à pouvoir entendre Youssoupha où qu’il soit.

— Oui, Monsieur Youssoupha ?

— Vous pouvez m’emmener auprès de ma famille, s’il vous plait ?

— Je ne comprends pas votre demande, Monsieur Youssoupha.

— Je veux voir mes parents ! Et les quadruplés !

— Je ne sais pas de qui vous parlez. Vous êtes le seul à vivre ici. Vous n’avez pas de famille.

Cela choqua le petit garçon. Bien sûr qu’il avait une famille !

— Je veux voir ma famille ! Je veux la voir tout de suite !

Le majordome ne savait pas de quoi il parlait, et Youssoupha avait envie de pleurer.

— Arrête de crier !

Il se retourna vers Noctalia, qui était de retour, et il serra les poings de colère.

— Où sont mes parents ? Où sont mes frères et mes sœurs ?!

— Pourquoi les cherches-tu ? Tu as de l’argent, c’est bien ce que tu voulais, non ? Une famille, ça ne te sert pas à grand-chose, maintenant que tu es plus riche qu’un roi !

— Je ne veux pas d’argent !

— C’est pourtant ton souhait le plus cher, que j’ai gentiment exaucé.

— Non ! Mon souhait le plus cher, c’est d’avoir de l’argent pour ma famille ! Pour que Papa et Maman ne soient plus jamais tristes, pour que les quadruplés puissent avoir tous les cadeaux qu’ils veulent !

— Et pour toi aussi, sois honnête ! Tu en avais assez que l’on se moque de toi, et tu en avais assez de cette famille trop bruyante et trop nombreuse qui ne t’apportait que des tracas ! Maintenant, tu as de l’argent, et tu peux en profiter à toi tout seul ! Remercie-moi, et cesse de te plaindre !

Le garçon voyait maintenant le véritable visage de sa soi-disant bienfaitrice. C’était une méchante femme.

— Je ne veux pas de votre argent ! C’est ma famille que je veux !

Noctalia le regarda avec toute la méchanceté dont elle était capable, mais Youssoupha n’avait pas peur.

— Tu n’es qu’un sale petit ingrat ! Tu ne mérites même pas ces richesses, mais je suis une gentille femme : tu peux tout garder.

— Je n’en veux pas ! Je veux rentrer chez moi ! Mon vrai chez-moi !

— Il est trop tard pour ça ! Ce monde est le tien, à présent, et tu ne reverras plus jamais ta famille !

Noctalia disparut ensuite dans un claquement de doigts, laissant Youssoupha très malheureux. Arnold ne s’attarda pas, et le petit garçon avait envie de pleurer. Il aurait dû écouter Jupiter, il n’aurait jamais dû faire confiance à Noctalia.

— Jupiter, je suis désolé. S’il te plait, aide-moi !

— Il suffit de demander.

— Jupiter !

Le chien-loup se tenait à quelques pas de lui et le regardait avec sévérité.

— Tu n’as pas respecté les règles. C’est très grave, Youssoupha.

— Je suis désolé ! S’il te plait, fais revenir ma famille !

— Si ta famille revient, tu n’auras pas tout cet argent.

— Je ne veux pas d’argent, je veux mon Papa, ma Maman et les quadruplés ! S’il te plait, Jupiter !

— Bien. Mes pouvoirs sont limités dans le monde de Noctalia, mais je peux te guider jusqu’à Nathalie. Il faut qu’elle aussi renonce à ce qui lui a été offert, et je pourrai vous ramener. Tu vas devoir la convaincre tout seul, Youssoupha. Moi, je ne pourrai pas être là.

— Je le ferai.

 

Nathalie était sur un petit nuage de bonheur. Elle discutait et riait beaucoup avec son Papa. Ils préparaient ensemble les festivités pour la nouvelle année, et elle oubliait toute la tristesse que son absence avait laissée pendant une année entière. Elle se sentait aimée et chérie à nouveau.

— Je vais ouvrir ! s’écria-t-elle gaiement en entendant la sonnette.

Elle fut ravie de voir Youssoupha, et elle le tira à l’intérieur.

— Viens, mon Papa et moi on a préparé plein à manger pour tout à l’heure !

— Nathalie, attends !

— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu n’as pas eu ce que tu souhaitais ?

— Non. Et toi non plus.

— Bien sûr que si ! Mon Papa est dans la cuisine, je vais te le montrer !

— Mais ta Maman, elle est où ?

La question laissa Nathalie silencieuse. Elle était si heureuse de retrouver son Papa qu’elle en avait presque oublié sa Maman.

— Elle va venir, elle…

Nathalie se tut, soudainement envahie par l’inquiétude.

— PAPA !

Il ne mit pas très longtemps à venir, plein d’inquiétude et de gentillesse.

— Qu’est-ce qu’il y a ma puce ? Oh, bonjour toi !

— Bonjour Monsieur, répondit Youssoupha d’un air malheureux.

— Elle est où, Maman ? Elle va venir, hein ?

— Ma petite puce, qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’as pas de Maman !

Elle se mit à pleurer, et son ami avait envie de faire comme elle. Il se sentait tellement triste pour elle.

— Je veux ma Maman !

— Tu ne peux pas tout avoir !

Noctalia venait d’apparaitre devant eux, et elle ne paraissait plus du tout gentille. Elle paraissait très en colère, et son regard était plein de méchanceté. Le temps était comme suspendu, et le Papa de Nathalie était figé comme une statue.

— Tu es vraiment un sale petit ingrat, Youssoupha ! Tu es venu jusqu’ici pour empêcher Nathalie d’être heureuse !

— Je ne suis pas heureuse sans ma Maman !

— À aucun moment ta Maman ne faisait partie de ton souhait le plus cher ! Tu voulais ton Papa, je te l’ai rendu, mais tu vas devoir faire avec ! Tu n’auras rien de plus !

— Je veux ma Maman !

— C’est trop tard ! Vous avez voulu de ce monde, alors je vous l’ai offert, sans condition, généreusement ! C’est par vos caprices et votre ingratitude que vous me remerciez ?!

— Ne l’écoute pas ! intervint avec force le garçon. Jupiter a dit qu’il pouvait nous aider ! Il faut juste que tu refuses ce qu’elle nous offre !

— C’est ce que tu veux, Nathalie ? Renoncer à une vie heureuse avec un Papa bienveillant et joyeux pour choisir une vie de tristesse auprès d’une Maman pleine de chagrin qui ne s’occupe même pas de toi et de ton bonheur ? Vas-tu renoncer à tous les Noëls, à tous les anniversaires, à toutes les fêtes, à toutes les joies de la vie pour elle ? Alors que ton Papa est là et te rendra parfaitement heureuse ?

Nathalie resta silencieuse, les yeux pleins de larmes.

— JUPITER ! s’écria-t-elle finalement. Aide-nous !

Une porte rouge, la porte qui leur permettait toujours d’accéder à l’entrée du Monde aux Merveilles, apparut, et le temps reprit son cours. Nathalie attrapa la main de son Papa, qui était très confus, et elle ouvrit la porte.

— VOUS N’ÊTES QUE DES INGRATS !

Tout se fissurait autour d’eux, comme du verre, et Youssoupha referma la porte rouge derrière eux. Ils étaient juste à côté de la fontaine de chocolat, de retour en sécurité, et il poussa un soupir de soulagement. Malheureusement, cela ne dura pas très longtemps. Rapidement, tout se mit à se fissurer autour d’eux. La fontaine, le sol, le ciel et même les nuages ; tout se brisait comme du cristal.

— COUREZ VERS MOI !

C’était Jupiter, visible tout en haut des grands escaliers de verre, qui eux aussi se fissuraient. Youssoupha ne perdit pas de temps, et son amie fit de même, tenant toujours solidement la main de son Papa. Le garçon n’avait pas de mal à gravir les marches, et même s’il avait peur qu’elles se brisent sous son poids, il n’y pensait pas trop et faisait confiance à Jupiter qui les encourageait à courir encore plus vite. Nathalie, elle, n’arrivait pas à grimper correctement. Elle se sentait essoufflée, et elle avait l’impression que des milliers de mains invisibles la retenaient. Une marche tomba en mille morceaux juste devant elle, au moment où elle allait poser un pied dessus, et elle poussa un cri de peur.

— NE BOUGE PLUS ! hurla alors Jupiter.

Nathalie et son Papa s’immobilisèrent.

— J’ai peur ! s’écria-t-elle.

Youssoupha aussi avait peur pour elle. Il jeta un regard terrifié au chien-loup, qui paraissait très concentré.

— Nathalie, s’exclama Jupiter, tu ne peux pas partir !

— Pourquoi ?!

— Tu le sais !

— Non ! J’ai peur ! Papa !

Elle se serra contre son père, mais cela n’attendrit pas le chien-loup.

— Je ne peux rien faire pour t’aider, et Youssoupha non plus ! La seule personne qui puisse te sauver, c’est toi-même !

 

Il y avait trois règles à respecter dans le Monde aux Merveilles :

Règle n° 1 : Ne parler du Monde aux Merveilles à personne. Son existence doit rester secrète.
Règle n° 2 : Rien de ce qui existe dans le Monde aux Merveilles ne peut être emmené dans le monde normal.
Règle n° 3 : Ne jamais ouvrir une porte bleue recouverte d’écailles.

Nathalie et Youssoupha avaient enfreint la troisième règle. Ils avaient écouté les promesses de Noctalia, et ils n’avaient pas pensé aux conséquences. Ils avaient souhaité avoir des choses impossibles, et ils en avaient oublié ce qu’ils avaient déjà.

À présent, la petite fille était en train d’enfreindre une autre règle, et elle en avait bien conscience. Elle lâcha doucement son Papa.

— Je suis désolée, Papa. Je suis heureuse de t’avoir revu, mais tu ne peux pas venir avec moi. Je dois rentrer seule.

Il lui sourit, et doucement, il se changea en un milliard de paillettes qui scintillaient de mille feux. Tout continuait à se fêler, mais Nathalie ne se sentait plus retenue. Elle sauta par-dessus le trou formé par la marche brisée, puis elle courut jusqu’à Youssoupha et Jupiter. Ensemble, ils quittèrent ensuite le Monde aux Merveilles pour revenir dans leur monde.

 

 Image par Zdeněk Tobiáš de Pixabay  

Et voilà le quatrième chapitre ! Plus qu’un avant la fin !
N’hésitez pas à commenter ! 🙂

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