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Le Contrat du Chocolat – Chapitre 6

Cette histoire n’est pas destinée à un public jeune !
Dans cette histoire il y a de la vulgarité et de la violence gratuite. Beaucoup. Je ne cautionne pas.
Pas plus que je ne cautionne l’utilisation et le trafic d’armes.
Il y aussi un personnage important qui fume, mais je n’encourage pas du tout ça ! Fumer tue !
Et il y a de la drogue. De la consommation et du trafic. Je n’encourage évidemment pas ça non plus.
C’est une histoire à prendre totalement au second degré et qui, je l’espère, pourra vous tirer un sourire ou deux !

Bébé ou pas bébé ?

Crock attaqua immédiatement Canaille, et il fut sur lui en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il le frappa violemment au visage, plusieurs fois, le faisant tomber à genoux, sonné. Crock arracha ensuite le poignard toujours planté dans l’épaule de Canaille, et Eclipse réagit à ce moment-là. Elle pointa un pistolet vers lui, mais Crock la prit par surprise en se tournant vers elle et en lui lançant le poignard. Il lui infligea une blessure à la main et elle lâcha l’arme par réflexe, ayant à peine le temps de voir le Crocodile lui bondir dessus. D’un coup de pied dans l’abdomen, il l’expulsa plusieurs mètres en arrière, et ramassa le pistolet qu’elle voulait utiliser contre lui il l’ajusta et appuya sur la détente. Canaille détourna son tir en saisissant son bras, et il réussit péniblement à lui faire lâcher l’arme. L’instant d’après, malheureusement, Crock utilisa sa queue pour lui faire une balayette, et Canaille tomba au sol. Aussitôt, le Crocodile se mit à le frapper de toutes ses forces, enchainant les coups de pieds furieux. Eclipse lui bondit dessus, se retrouvant sur ses épaules, et elle lui enfonça ses doigts dans les yeux, le faisant grogner. Il l’attrapa par les oreilles et la jeta au sol violemment, mais elle se réceptionna souplement. Canaille se releva difficilement, et les deux Lapins firent face ensemble au Crocodile furieux.

— On va se faire défoncer, marmonna Canaille à l’adresse d’Eclipse.

Elle n’eut pas le temps de répondre, car Crock était déjà sur eux. Et Canaille était prophétique : Crock les défonçait. Le Crocodile était fort, rapide et extrêmement doué en arts martiaux. Les deux Lapins savaient se battre, et ils encaissaient bravement, mais ils se faisaient vraiment saccager sans réussir à atteindre Crock. Ce dernier poussait des hurlements sauvages, apparemment incapable de tenir un discours articulé dans son état de rage actuel, et cela faisait grimacer Eclipse encore plus que ses coups. Ne pouvait-il pas les anéantir avec un minimum de classe et d’élégance ?

 

Pour mieux comprendre sa détresse, voici une retranscription écrite des bruitages émis par Crock :

BEUARRRRG !

ARRRRRRRRRRRGGG !

ROARRRRG !

Le désespoir d’Eclipse est donc parfaitement compréhensible, nous en conviendrons.

Canaille poussa un cri lorsque Crock le saisit par l’épaule, au niveau de sa blessure qui saignait abondamment. Le Crocodile le jeta au sol et tenta de lui sauter dessus à pieds joints (??), mais le Lapin roula sur le côté et esquiva l’attaque. Eclipse ramassa un fusil mitrailleur, mais Crock la frappa violemment avec sa queue, qu’il utilisait comme une arme à part entière, et il la chargea. Elle évita de peu la collision et ramassa le fusil qu’elle venait de lâcher, déterminée à en finir. Malheureusement, une fois encore, le Reptile était sur elle, et il la força à lâcher le fusil d’une torsion efficace du poignet. Elle réussit à se dégager avant qu’il ne brise son os, et Crock fondit sur Canaille qui venait de ramasser un pistolet. Il le plaqua au sol, laissant l’arme échapper une fois de plus aux pattes des Lapins, et il maintint Canaille au sol en faisant claquer ses mâchoires. Il allait lui faire subir le même sort que Zanzar : lui arracher la gorge avec ses crocs, sauf que dans le cas présent, il allait décapiter Canaille avec la puissance de ses mâchoires. Le Lapin attrapa ses deux mâchoires avec ses mains, et il réussit à les maintenir ouvertes tout en empêchant Crock de trop s’approcher de sa gorge. C’était extrêmement difficile cependant, et même s’il se débattait furieusement, le Crocodile gagnait du terrain. Il relâcha brutalement Canaille, probablement pour aller s’occuper d’Eclipse qui devait avoir ramassé une énième arme à feu qui trainait au sol. Le Lapin se releva douloureusement, et il grimaça en voyant sa tante encaisser difficilement un coup de pied sauté de la part de l’énorme Crocodile. Eclipse fut projetée plusieurs mètres en arrière, une nouvelle fois, et elle se réceptionna avec une souplesse et une grâce qui donnèrent à Canaille l’envie de l’applaudir. Lui se serait vautré comme une grosse patate. Il réalisa un peu tard que Crock tenait un pistolet braqué vers la petite Lapine.

— NON !

Il se jeta sur le Crocodile au moment où il appuyait sur la détente. Il y eut une détonation, et un léger bruit de douleur provenant d’Eclipse alors que Canaille réussissait péniblement à lui faire lâcher son arme. Crock le repoussa d’un coup de poing en plein visage, et Canaille tituba un peu en reculant. Son regard se braqua rapidement sur Eclipse, qui se tenait une oreille en grimaçant. Il lui avait tiré dans l’oreille gauche. L’intervention de Canaille lui avait sauvé la vie, mais elle avait quand même été touchée à l’oreille. Le jeune Lapin vit rouge. À peine conscient de ce qu’il faisait, il attaqua Crock de toutes ses forces. Et, étonnamment, cela fonctionna. Il était comme en transe, capable d’anticiper les attaques et contre-attaques du Crocodile avec exactitude. Il ne ressentait plus la douleur, et il ne voyait plus ce qui l’entourait, son champ de vision étant envahi par Crock Daraengar. Il agissait par instinct, et non par raison, et il avait l’impression que son corps avait trois coups d’avance sur ses pensées. Il entendit un bruit de craquement et s’il songea d’abord qu’il s’agissait de l’un de ses os, le hurlement de douleur de Crock lui fit prendre conscience que non, ce n’était pas lui qui était en souffrance. C’était le Crocodile qui souffrait, et c’était extrêmement réjouissant. Brutalement, Canaille sentit du sang dans sa bouche, et il se demanda s’il avait pris un coup ou pire. Il cracha par réflexe, et réalisa qu’il y avait un petit morceau de chair de Crocodile avec le sang. Il avait dû mordre Crock. Il prit conscience du couvercle métallique de poubelle qu’il tenait qu’après l’avoir fracassé plusieurs fois sur le Crocodile, et il se sentit à peine le soulever comme un haltère et le jeter comme si c’était un ballon de basket qu’il cherchait à mettre dans son panier. Crock s’écrasa sans élégance au sol et il glissa sur le bitume dans un silence pesant. Cela mit fin à la transe de Canaille, qui cligna plusieurs fois des yeux, confus. Qu’est-ce qu’il venait de se passer, là ? La douleur, qui s’était enfuie de son corps, revint soudainement, et Canaille grimaça en serrant les poings. Son bras et son épaule blessés étaient particulièrement insupportables, en plus des nombreuses autres plaies et contusions qu’il arborait. Il jeta un regard à Eclipse, qui semblait propulsée dans un autre monde, et observait Canaille comme s’il avait cinq têtes et venait de vomir de l’acide. Le Lapin se força à lui sourire, mais cela ne suscita aucune réaction chez la Lapine. Est-ce qu’il l’avait cassée par son comportement de bête sauvage furieuse et assoiffée de sang comme de violence ? Le bruit reconnaissable d’un pistolet que l’on armait attira l’attention des deux Lapins. Crock était dans un état vraiment pitoyable, et Canaille grimaça, sympathisant un peu avec lui. Le Crocodile était blessé de partout, sa queue était complètement brisée, son bras gauche était lui aussi cassé et son épaule était disloquée. Il était couvert de sang, et par endroits, des morceaux de chair avaient été arrachés. Son œil gauche était en sang, probablement crevé, mais le pire pour le Lapin, c’était la gueule du patriarche des Daraengar. Elle était disloquée, elle aussi, et ses mâchoires ne se refermaient plus correctement l’une sur l’autre. Sa mâchoire du haut était tordue vers la droite, tandis que sa mâchoire du bas était tordue vers la gauche. Ses crocs avaient été cassés, voire arrachés, et du sang coulait abondamment de sa gueule. Il se mit à parler, et ses mâchoires tordues qui bougeaient de manière grotesque donnèrent la nausée à Canaille.

— BURHGAOURIARAOPOUWKUYAEYTADEZAZAR !

Il y eut un moment de flottement. Crock allait appuyer sur la détente, et abattre Canaille sans que lui ou Eclipse puisse intervenir. Ils étaient trop loin et ne pourraient pas agir à temps. Pourtant, c’était le cadet des soucis du Lapin, pour le moment. Il y avait un problème plus grand à régler, ou plutôt le mystère du millénaire à déchiffrer : qu’est-ce que venait de raconter Crock Daraengar, là ?!

— Hein ? Bordel, j’ai absolument rien pigé ! Répète plus lentement, et articule !

— BURTRAD…

—STOP ! Ferme-la, ça sert à rien, je pige pas et tu me donnes la gerbe ! Essaie de mimer, peut-être que ce sera plus clair…

Crock émit un grognement sourd, plein de rage, mais avec une pointe de désespoir. Il hésita à répéter en articulant mieux, mais se résigna finalement à descendre Canaille.

— NE TOUCHE PAS A MON BÉBÉ !

Déconcentré par Canaille, Crock n’avait pas vu Eclipse venir. La Lapine avait récupéré son épée, et elle l’utilisa pour le désarmer en lui tranchant la main. Il n’eut même pas le temps d’avoir mal que sa tête roula au sol, rejoignant sa main et laissant enfin les deux Lapins victorieux.

— C’est moi, ton bébé ?

Eclipse, qui observait le corps de Crock pensivement, fit volte-face. Elle déglutit, embarrassée, et se sentit fondre devant le regard plein d’espoir de Canaille. Il était tellement mignon !

— Oui, articula-t-elle finalement.

Elle se félicita pour son air ferme et détaché, avant de changer vite de sujet.

— Je vais appeler Moustique, je ne comprends pas où sont les renforts !

— Les nôtres ou les leurs ?

— Les deux.

— OK, pendant que tu fais ça, je vais tranquillement mourir sur place…

Canaille s’assit par terre, en plein milieu de la rue, et il dégaina une cigarette, ce qui fit soupirer Eclipse. Moustique répondit rapidement, et sa voix était accompagnée par des bruits de pétarade et d’explosions. L’échange ne fut pas très long, et Canaille n’écoutait pas, trop fatigué et encore un peu choqué par sa propre violence pour y prêter attention.

— Tu saignes beaucoup, Canaille, il faut que tu ailles à l’hôpital.

Il leva les yeux vers Eclipse, mettant du temps à comprendre ce qu’elle lui disait.

— Où sont les renforts ?

— Ils se sont trompés d’adresse.

— Nos renforts ?

— Et les leurs. Ils sont en train de se battre au niveau d’un autre bar, à une demi-heure d’ici.

— Qui gère l’opération ?

— Cactus.

Canaille bondit sur ses pieds.

— OK, on y va !

— Tu as besoin d’aller à l’hôpital. Et moi aussi.

Son oreille lui faisait vraiment mal, mais elle grossissait le trait. Elle avait connu bien pire, mais elle voulait juste convaincre Canaille d’aller se faire soigner. Il la regarda d’un air blasé, pas du tout convaincu.

— Moustique limite la casse, mais c’est Cactus qui donne les ordres, donc ça va finir en catastrophe.

— Canaille…

— Tu sais que c’est vrai, il est aussi bon à rien que son fils ! Allez, on embarque la tête de Crock et le corps de Zanzar, on va à ta voiture et je me soigne pendant que tu conduis ! on ramasse quelques armes, aussi…

— Pourquoi veux-tu prendre le corps de Zanzar ?

— Il faut que je le dépèce. Ça fait partie du deal.

Honnêtement, Eclipse ne voulait pas en savoir plus.

— Et tu sais faire ça ? demanda-t-elle pourtant.

— Faire quoi ?

— Dépecer quelqu’un ?

Canaille parut embarrassé par la question, et il hésita franchement avant de répondre.
— Tu préfèrerais que je sache le faire ou que je sache pas le faire ?

Elle soupira profondément.

— Faisons comme tu as dit, céda-t-elle ensuite. Mais si je juge que tu n’es pas en état de te battre, je t’amènerai de force à l’hôpital.

— OK, Tata.

Il était visible qu’il ne faisait pas vraiment attention à ce qu’il disait, et elle sourit, attendrie. Elle avait récupéré son bébé. Eclipse 1 — Voix Intérieure 0.

Eclipse et Moustique marchaient tranquillement devant la propriété des Guerindor, profitant du temps clément. Pâques avait été un succès retentissant, et ils s’étaient fait encore plus d’argent que les autres années. Félix Mardoner avait craché tous ses enregistrements téléphoniques, plaçant les Reptiles, les Rats et les Gallinacés en position d’agresseur et permettant aux Lapins de reprendre le dessus. Il y avait eu quelques corrections à infliger, mais après la mort de Crock et de Zanzar ainsi que la sortie des écoutes de Félix, les Rats et les Gallinacés avaient vite lâché les Reptiles. Ces derniers vivaient des moments difficiles, et même si Codyl avait survécu et était censé prendre la place de son père, une guerre de succession s’annonçait, autant vis-à-vis d’autres membres de la famille Daraengar que vis-à-vis d’autres familles de Reptiles désirant devenir la famille dirigeante du Clan. Tout allait pour le mieux pour les Lapins et particulièrement pour les Guerindor, même si un gros point négatif continuait à narguer Eclipse : Canaille n’était pas revenu vivre avec eux. Il avait refusé, gentiment, mais fermement, et il n’était toujours pas réintégré à la famille, principalement parce qu’Eclipse n’avait pas eu l’occasion de vraiment le voir et lui parler depuis la nuit de la mort des deux frères Daraengar. Ils avaient été très occupés, Canaille ne ménageant pas ses efforts pour aider la matriarche à remettre le business correctement sur les rails, et il avait même pris temporairement un poste de directeur adjoint à l’Usine, aux côtés de Cacahuète, pour que tout soit prêt à temps pour Pâques. Il avait été débordé, probablement plus qu’Eclipse, mais il n’avait pas non plus fait d’effort pour dégager du temps et discuter avec elle. Et maintenant que la date fatidique de Pâques était passée, il demeurait toujours aussi désespérément absent du domicile familial. Loin d’Eclipse. Moustique se montrait rassurant, indiquant que Canaille avait été très occupé et était juste très fatigué, mais elle était inquiète.

— Bonjour, Madame Guerindor. Moustique.

Eclipse fit des efforts titanesques pour ne pas lever les yeux au ciel. Elle connaissait cette voix, et le regard soudainement idiot de Moustique ne faisait que confirmer qui était leur visiteur : Ruina Ackentors. Elle se tourna vers elle et la regarda d’un air peu amène, alors qu’elle échangeait un regard enamouré avec Moustique. Le Lapin était avec Canaille lorsque celui-ci avait amené la peau de Zanzar à Ruina, et cette affectation avait été une terrible erreur. Moustique avait été instantanément charmé par la Lézarde, qui semblait lui porter en retour un certain intérêt. Malheureusement. Ruina tendit une jambe vers eux et agita son pied pour leur montrer sa chaussure.

— Qu’est-ce que vous pensez de mes bottines en peau de Zanzar ?

— Presque aussi resplendissantes que vous, Madame.

Eclipse ne put s’empêcher d’émettre un petit grognement en entendant la réponse de Moustique. Ruina eut un petit rire désagréable pour la Lapine, alors que Moustique semblait au contraire enchanté. La Lézarde avait zombifié son Moustique adoré, et Eclipse avait envie de lui arracher la tête pour cela.

— Que pouvons-nous faire pour vous, Madame Ackentors ?

La Reptile, qui fixait silencieusement Moustique, parut se souvenir de la présence d’Eclipse à l’entente de sa question.

— Pour être tout à fait honnête, j’espérais que mon cher Moustique se joindrait à moi et passerait la journée en ma compagnie.

Le premier réflexe d’Eclipse fut de refuser et d’indiquer qu’elle avait besoin de Moustique et qu’il n’avait pas de temps à perdre avec Ruina. Le Lapin semblait cependant tellement heureux à l’idée d’aller avec la Lézarde que la matriarche n’eut pas le cœur de lui refuser ça.

— Tu peux y aller si tu le souhaites, Moustique. Mais aujourd’hui seulement : demain, je vais avoir besoin de toi.

— Merci Madame Eclipse !

C’est avec un sourire forcé que la Lapine le regarda partir avec Ruina. Elle n’aimait pas la Lézarde, et voir son précieux Moustique s’enticher à ce point d’elle était désespérant et agaçant tout à la fois.

— Elle va pas te le voler, tu sais.

Elle se retourna vivement, ayant reconnu la voix de Canaille. Elle eut envie de rire et de pleurer de joie en constatant que oui, c’était bien lui. Il était enfin de retour à la maison. Il ne portait pas ses vêtements « professionnels » habituels et était habillé de manière décontractée, ce qui fit encore plus plaisir à Eclipse. Son t-shirt en revanche la laissa dubitative. C’était un t-shirt avec un dessin stylisé représentant Voyou et Gaufrette Kellis en plein baiser romantique, à la lueur d’un coucher de soleil, recouverts de sang et entourés de morceaux de corps.

— C’est plutôt de mauvais goût, non ?

— Ouais, mais c’est un cadeau de Caesar. Pour me féliciter d’avoir réparé « mes propres conneries », je le cite. Comme c’est la première fois de ma vie qu’il m’offre un truc, je me suis dit que j’allais le garder.

Eclipse eut un petit sourire triste. Caesar méritait des baffes, mais Canaille était vraiment adorable. Il chérissait même le pire des cadeaux tant que cela lui venait des Guerindor. Il avait toujours voulu être aimé et accepté par eux, et il le voulait apparemment encore. Du moins, Eclipse l’espérait de tout son cœur, car cela signifiait qu’il allait revenir à ses côtés.

— Ils te manquent ?

— Qui ?

— Tes parents.

La question prit Canaille par surprise, et il mit un certain temps à répondre.

— Tu veux la vérité ou…

— La vérité.

Il hocha la tête et hésita encore.
— Ouais, admit-il finalement. Ils me manquent énormément. Je sais à quel point ils étaient tarés, mais ils étaient franchement adorables avec moi.

— C’est chez eux que tu vis, en ce moment ?

— Ouais. Ça m’a fait bizarre de retourner là-bas, mais j’aime bien. J’ai commencé à retaper un peu la baraque, et je vais continuer. Je compte la rénover entièrement !

Il paraissait assez enthousiaste, mais Eclipse était très, très, très loin de partager son enthousiasme. Tout ce qu’elle comprenait, c’était qu’il ne comptait pas rentrer à la maison.

— Tu ne veux pas réintégrer la famille ?

La question, abrupte, le laissa un instant sans voix. Il finit par soupirer profondément.

— Je ne serai jamais un Guerindor, Eclipse. J’ai essayé, j’ai vraiment essayé, mais… à la première erreur, tu m’as renié. Et même si je comprends pourquoi, ça m’a fait tellement mal que je ne pense pas que je pourrais le supporter une deuxième fois.

— Je ne te renierai plus jamais, je te le jure.

Elle était sincère et s’il fallait qu’elle le hurle pour qu’il la croie, elle le ferait sans hésiter.

— Je ferai d’autres erreurs, c’est sûr, surtout vu les responsabilités que tu me donnes et j’ai peur que malgré ce que tu dis, tu me renies une nouvelle fois. Le simple fait de pouvoir m’adopter, me désadopter et réadopter derrière, ça prouve que je suis pas de ta famille. Que tu n’es pas ma tante.

— Je suis ta tante ! Je suis juste stupide et cruelle, mais je suis quand même ta tante !

Canaille resta silencieux, et l’indécision était clairement lisible dans ses yeux.

— Si tu veux que je renie l’intégralité de cette famille pour que tu reviennes à mes côtés, je le ferai sans hésiter ! insista-t-elle.

— Je ne te demande pas ça.

— Alors qu’est-ce que tu me demandes ?!

— Rien du tout. Je suis juste un peu paumé. J’ai envie de redevenir Canaille Guerindor, mais… je suis pas sûr d’avoir envie de recommencer comme avant. D’avoir toutes ces responsabilités, de devoir prendre des décisions et de risquer de faire des erreurs horribles à chaque fois que j’agis… tout ça pour une famille qui n’en a majoritairement rien à foutre de moi…

Il soupira et Eclipse sentit la frustration l’envahir.

— Je ne veux pas que tu travailles pour moi, même si tu es de loin le plus intelligent et le plus compétent des Animaux de Faunsinland, je veux que tu fasses partie de ma famille ! Si tu veux glander toute la journée, ça me va très bien tant que tu es mon bébé !

Il écarquilla les yeux, mais il n’eut pas le temps de répondre.

— Mes deux Guerindor préférés ! Quel plaisir !

Ils se tournèrent vers le nouvel arrivant, et Eclipse grogna alors que Félix Mardoner venait se planter devant eux. Sa propriété était devenue un moulin ?! Le Chat tendit un gigantesque bouquet de fleurs colorées à Eclipse, qui le saisit sans vraiment comprendre.
— Pour être sûr et certain que les relations entre les Lapins et les Chats sont bonnes, malgré mes cachotteries à base d’écoutes et ces fameuses armures métalliques dont j’avais oublié de parler à Canaille…

Félix se gratta l’arrière de la nuque, s’abstenant de préciser que les armures n’étaient de toute façon pas finies et n’avaient pas été un gros obstacle pour les Lapins. Il l’avait précisé à chaque fois que le reproche lui avait été fait, et il avait fini par comprendre à quel point cela agaçait ses interlocuteurs. Quant au reste… Eclipse avait eu envie de le mettre en morceaux en apprenant cette histoire d’enregistrements compromettants contre les Reptiles, Gallinacés et Rats, furieuse qu’il ne lui en ait pas parlé et ait préféré envoyer Canaille dans une potentielle mission suicide pour avoir la tête de Crock. Tête qu’il avait reçue avec plaisir et littéralement montée au mur de sa chambre, d’après ce qu’Eclipse avait cru comprendre. Sous ses airs charmants, Félix Mardoner demeurait après tout un manipulateur cruel, avide d’argent et impitoyable.

— Disons que nous sommes en termes corrects pour le moment, répondit froidement la Lapine.

Le Chat sourit joyeusement, et son regard se posa sur le t-shirt de Canaille.

— Oh, joli t-shirt ! J’aime beaucoup !

— Vous êtes fan des Kellis ?

Canaille avait l’habitude de se détacher totalement de ses parents biologiques, et cela redonna un peu d’espoir à Eclipse. Il n’avait peut-être pas l’intention de redevenir totalement Canaille Kellis. « Mais ça ne veut pas dire qu’il veut redevenir Canaille Guerindor non plus, idiote ! » Ah non, pas toi ! Dégage !

— Seulement de certains Kellis, répondit-il en ajoutant un petit clin d’œil.

Cela lui valut un regard horriblement mauvais de la part d’Eclipse. Elle n’appréciait pas la familiarité de Félix avec Canaille, et elle fut très satisfaite de voir qu’elle avait réussi à mettre le Chat un peu mal à l’aise.

— J’imagine que vous devez être très occupés.

— En effet, confirma-t-elle froidement.

— On va bientôt avoir un mariage Mardoner-Guerindor à organiser, en plus.

Félix écarquilla les yeux, bouche bée, en observant Canaille.
— Mariage ? balbutia-t-il. Déjà ?

— On est sur un cas de coup de foudre sévère, alors je pense qu’il sera jamais trop tôt pour le mariage !

La réflexion de Canaille fit sourire Eclipse, alors que Félix semblait sous le choc.

— Eh, Félix, je déconne ! Caoutchouc et Sweetie en sont qu’au début de leur relation, elles vont pas se marier tout de suite !

Le Chat cligna plusieurs fois des yeux.

— Caoutchouc et Sweetie ?

— Vous pensiez que je parlais de qui d’autre ?

Félix esquissa un grand sourire.

— Pardonnez-moi, j’étais un peu ailleurs ! Je pense que Sweetie et Caoutchouc feraient de très belles mariées, et qu’elles pourraient nous permettre d’organiser la fête la plus extraordinaire qui soit ! Je vois déjà ça d’ici !

— Nous n’en sommes pas là, Félix, le rabroua Eclipse. Personnellement, je ne pense pas que leur relation durera.

— Pas d’accord, protesta Canaille. Elles sont faites l’une pour l’autre !

— Seul le temps nous le dira ! conclut avec sagesse le Chat. Bon vous m’excuserez, mais je dois y aller !

— On ne vous retient pas, répondit sèchement la matriarche.
Elle savait qu’elle n’était pas censée lui parler comme ça, mais Félix Mardoner la gonflait. Le patriarche des Chats ne parut pas s’en offusquer, et il sourit à nouveau.

— J’espère que nous aurons l’occasion de dîner à nouveau ensemble, Canaille. Et cette fois, ma limousine sera sans chauffeur !

— Je monterai pas dedans, répliqua-t-il sans hésiter.

Cela fit rire le Chat.

— Si, vous monterez ! Et vous me direz même quel est votre dessert préféré, contrairement à la dernière fois !

— Vous pouvez rêver.

Félix rit joyeusement, sans insister, mais il était évident qu’il reviendrait à la charge plus tard. Il prit congé assez rapidement ensuite. Le silence s’imposa alors entre Canaille et Eclipse, jusqu’à ce que le Lapin se frotte l’arrière du crâne, ne sachant pas trop quoi dire.
— Du coup, euh, tu veux que je sois ton bébé ?

Elle avait honte, mais elle n’en laissa rien paraitre.
— Oui, répondit-elle avec dignité. Tu l’es déjà et tu le seras toujours pour moi, mais si tu ne souhaites pas l’être, alors je respecterai ta volonté.

— Du coup je serai ton bébé sans l’être ?

— Quelque chose comme ça, oui… Cette discussion m’embrouille… Est-ce que tu veux redevenir un Guerindor ?

— Est-ce que j’ai vraiment cessé d’en être un ?

Eclipse sentit une grande tendresse la submerger.

— Mais je veux qu’on parle de mon avenir professionnel. Je ne veux pas qu’une catastrophe comme la mort de Tac se reproduise, Tata.

— On va en parler. Mais ne t’inquiète pas : tu pourrais noyer Caesar dans un lac que je ne te renierais pas. Je te garde, et c’est définitif.

— Ne me tente pas, Tata, ne me tente pas !

— Du coup tu vas revenir vivre à la maison ?

— Ouais, mais je vais continuer à retaper celle de mes parents. Avoir une résidence secondaire me fera pas de mal.

— C’est d’accord. Tu veux que je te donne la chambre de Topaze ?

— Elle vit plus ici ?

— Si, mais étant donnée sa relation cachée avec Codyl, et les infos qu’elle lui a données pendant plus d’un an, j’ai décidé de lui retirer quelques privilèges. Sa chambre gigantesque fait partie de ces privilèges.

— Elle dort où ?

— Dans l’ancien bureau de Mercure.
— C’est minuscule.

— Elle l’a bien cherché. Elle travaille gratuitement à l’Usine, aussi. Je suis étonnée que tu ne l’aies pas croisée avant Pâques.

— J’étais submergé de boulot et franchement, on a énormément d’employés.

— Cacahuète a toujours peur de toi, mais il m’a demandé si tu pouvais prendre définitivement le poste de directeur adjoint.

— Oh. C’est vrai ?

— Oui. Ce n’est pas un poste existant, mais ce ne serait pas une mauvaise idée de le créer. Et ça pourrait être une reconversion intéressante pour toi. Loin du terrain et des erreurs potentielles que tu crains tant.

Il resta longuement pensif.

— Je peux y réfléchir ?

— Bien sûr.

— Cool. Du coup, je vais te laisser, il faut que je ramène des affaires.

— Je te laisse. On se revoit pour le diner ?

— Sans faute.

Elle lui sourit et tourna les talons, hautement satisfaite et apaisée. Elle avait récupéré son bébé !

— Tata !

Elle se retourna, interrogative, mais il fut incapable de dire à voix haute ce qu’il pensait tout bas. « Je t’aime ».

— Je t’aime, Canaille, lança-t-elle finalement avant de partir.

— Moi aussi, marmonna-t-il.

Il ne pensait pas qu’elle l’avait entendu, mais s’il avait pu voir son visage et non son dos, il aurait su que si, elle l’avait entendu et que c’était pour cela qu’elle affichait un sourire aussi lumineux. En rejoignant sa voiture, Canaille se surprit à sourire lui aussi. Les Lapins régnaient toujours sur le chocolat, les Guerindor régnaient toujours sur les Lapins et lui, il était toujours le même : Canaille Guerindor, anciennement Kellis. Et il était parfaitement heureux.

FIN

Sixième et dernier chapitre de cette histoire de Pâques !

 

C’est une histoire différente de ce que je fais d’habitude, et j’ai beaucoup aimé l’écrire.

J’espère que vous avez apprécié sa lecture ! ^^

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