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Le Contrat du Chocolat II – Chapitre 6

Cette histoire n’est pas destinée à un public jeune !

Dans cette histoire, il y a :

-de la violence gratuite (beaucoup)
-une énorme consommation de cannabis
-une énorme consommation de tabac
-des armes à feu et des armes blanches (trafic et utilisation)
du langage vulgaire

Bien entendu, je n’encourage ou ne cautionne aucune de ces choses-là !

Comme pour Le Contrat du Chocolat, il s’agit d’une histoire à prendre au second degré qui, je l’espère, vous amusera (au moins un petit peu !^^)

Combat final

Royal Kelensor pointait un fusil mitrailleur vers Sweetie et Canaille, qui n’avaient pour se défendre qu’un arc et quelques flèches. Le Dindon possédait un autre atout majeur : la stupidité suicidaire de Félix. Le Chat était apparemment son meilleur bras droit, et venait de s’autocondamner à une mort atroce. À bien y penser, Félix souffrirait moins entre les pattes de Royal qu’entre celles du Lapin, alors il s’en sortait finalement pas trop mal.

— Depuis quand tu bouges des voitures, toi ?

Canaille lui-même ne savait pas s’il cherchait pathétiquement à rallonger son existence ou s’il voulait vraiment assouvir sa curiosité.

Royal sourit de toutes ses dents.

— Depuis que Félix a réparé et amélioré les performances de son dispositif anti-balles il y a quelques heures de cela ! Il a fait bien plus que je ne lui avais demandé et s’est montré incroyablement coopératif !

Les regards de Canaille et Sweetie firent grimacer Félix.

— Je tiens à préciser qu’il me tenait en joue et me menaçait pendant ces réparations !

— Et tu ne t’es pas dit que tu pouvais le saboter, plutôt que de l’améliorer ?!

Il cligna des yeux à répétition. Avec son expertise qui dépassait très largement celle du Dindon, il aurait pu réparer le dispositif sans le rendre plus performant, et le saboter tout à la fois.

— Je n’y ai pas pensé, répondit-il honnêtement.

Royal eut un éclat de rire.

— Tu vas vraiment me manquer, Félix ! Bon, je commence par vous deux, puis je retourne mener mes enchères !

Il braqua le fusil sur eux.

— Attends ! s’écria alors Sweetie. Tu crois vraiment qu’on est venu seuls ?! Il y a d’autres archers cachés tout autour de nous, prêts à te dégommer à la moindre incartade !

Royal lança rapide regard circulaire.

— Tu es une bonne actrice, mais je doute que ce soit vrai !

— Il suffit d’une seule flèche bien placée, Royal !

Il sourit devant l’insistance de la Chatte.

— Je sais qu’il n’y a personne d’autre !

Elle fronça légèrement les sourcils, montrant son mécontentement, sans cesser d’afficher un air plein de défi. Elle perdit soudainement toute contenance, et écarquilla les yeux. Une pure horreur s’afficha sur son visage, et elle recula en poussant un cri de terreur. Félix et Royal firent volte-face.

Rien.

Lorsqu’ils se retournèrent vers l’actrice, ce fut pour se retrouver nez à nez avec Canaille qui frappa Royal de toutes ses forces dans le ventre. Il profita de la très légère confusion du Dindon pour lui arracher son fusil des mains. Le Dindon l’attrapa par la gorge, et étouffa la flopée d’injures que Canaille tenait à lui destiner. Cela frustra encore plus le Lapin qui se débattit furieusement, en vain. La prise du Dindon était un véritable étau. Lorsqu’il tendit sa main libre vers son fusil, qui gisait à terre, et que son dispositif électromagnétique attira l’arme jusqu’à lui, Canaille eut la pensée idiote que le Dindon était une caisse à outils ambulante. Un slogan ne tarda pas à naître dans son esprit :

Slogan "Vivez le bricolage, mais de façon Royal !

— CANAILLE !

Le cri de Sweetie le sortit de ses pensées débiles, et il mit un coup de genou dans l’entrejambe du Dindon. Ce dernier poussa un cri outré, et desserra sa prise. Canaille en profita pour faire une nouvelle fois valdinguer son fusil, et lui sauta à la gorge, dents sorties. Il les enfonça profondément dans la chair de Royal, qui l’insulta, très surpris. La lutte ne dura que quelques secondes, cependant : le Dindon était beaucoup trop fort, et en bien meilleure forme que le Lapin. Ce dernier eut quand même la satisfaction de sentir un liquide au goût métallique dans sa bouche : il avait fait saigner son ennemi, c’était toujours ça de gagné ! Cela le réconforta (un peu) lorsqu’il s’écrasa brutalement sur le sol, et fut envahi par la sensation terrible d’avoir l’intégralité des os de son corps brisés. Le fusil revint dans les mains du Dindon avant même que le Lapin n’ait fini de se relever. Royal braqua l’arme sur lui, adoptant un air empli de regrets.

— Je me sens mal, vraiment, de mettre un terme à ton existence. Tous les trois, je vous adore.

— Épargnez-nous, alors !

Félix. Il restait planté à côté du Dindon, et mâchonnait du choco-cannabis — mais où en avait-il trouvé ?! Canaille profita de la distraction ainsi fournie pour se jeter sur Royal. Il détourna son arme au dernier moment, et la rafale qui suivit le rata de peu. Dans la lutte qui suivit, le Lapin essaya d’atteindre le dispositif du Dindon, mais Royal était trop fort. Il réussit à repousser Canaille et braqua à nouveau son fusil sur lui. Une vive douleur envahit soudainement le Lapin, au niveau de son bras droit, et le Dindon cligna des yeux, semblant abasourdi.

Une flèche. Canaille venait de prendre une flèche dans le bras. Il y eut un moment de flottement.

— SWEETIE ! hurla finalement le Lapin.

— Désolée ! J’ai mal visé !

Canaille hurla de rage. La Chatte venait cependant de lui offrir une superbe distraction, et il en profita pour se jeter sur le dispositif du Dindon. Il réussit à l’arracher de sa ceinture et à le jeter à terre, tout en détournant le canon du fusil mitrailleur de Royal. Le tueur à gages poussa un hurlement de rage. Il se mit à frapper Canaille à répétitions, au niveau de sa tête, délaissant totalement son arme à feu et préférant utiliser ses poings massue. Le Lapin ne tarda pas à tomber par terre, complètement sonné, et un déluge de coups de pied suivit. Il fallait qu’il se ressaisisse, et vite.

— Canaille ? Vous allez bien ?

La voix de Félix, légèrement teintée par l’inquiétude, fut des plus bénéfiques pour Canaille : elle le fit entrer dans une colère noire. Il attrapa la jambe du Dindon et le força à tomber au sol, soudainement mû d’une force démesurée. Il cassa la flèche toujours fichée dans son bras, et il utilisa sa pointe irrégulière pour planter le Dindon avec. Il l’enfonça dans son torse de manière frénétique, et Royal eut toutes les peines du monde à le repousser. Le Lapin lui sauta une nouvelle fois dessus, enragé, et lui arracha un morceau de chair de son bras. Il le consomma rapidement en se remettant à frapper le Dindon au niveau de la tête, totalement déchainé. Royal finit par réussir à lui mettre un coup de poing dans le nez, mais cela ne repoussa pas Canaille très longtemps. Il eut le temps d’infliger de nombreux coups et morsures au Volatile, jusqu’à ce que ce dernier réussisse enfin à le repousser en faisant levier avec ses pieds.

Le bruit d’une flèche siffla une nouvelle fois, et vint se ficher dans le sol, juste à côté de la tête du Dindon. Ce dernier ne perdit pas de temps et se releva pour fondre sur Sweetie. Elle poussa un cri et se mit à courir en cercle pour ne pas se faire attraper par le Dindon. Canaille poussa un grognement avant de se jeter sur le Volatile. Il avait l’impression d’être un scooter face à une camionnette, mais réussit quand même à arrêter sa course lorsqu’il plongea ses dents dans son épaule.

— MAIS C’EST QUOI TON DÉLIRE AVEC TES MORSURES ?!

Il frappa Canaille au visage, de manière répétée, en le traitant de tous les noms. Il finit par réussir à le plaquer au sol, et il se saisit de son visage pour lui fracasser la tête contre le sol. Le Lapin pensa à Félix, qui mangeait du choco-cannabis à quelques pas de lui, et poussait des petits couinements inquiets de temps à autre. Cela raviva sa fureur, et il puisa dedans pour renverser la mêlée. Une vive douleur se répercuta dans son épaule gauche. Félix se mit à rire.

— Sweetie vous a encore eu !

— Désolée, tu as bougé !

Le Dindon en profita pour repousser le Lapin, et dégaina une arme de poing de secours, qu’il gardait rangée dans un étui au niveau de sa cheville. Il la braqua au niveau de la tête de Canaille, qui n’en fut absolument pas impressionné et la détourna au dernier moment. La détonation assourdissante qui suivit ne calma pas sa fureur, et il l’entendit à peine, son ouïe étant noyée sous le rire débile de Félix Mardoner, toujours lui, cet abruti qui ne méritait que de se faire étrangler par le Lapin jusqu’à ce que mort s’ensuive. Sweetie, embarrassée par ses tirs piteux et horrifiée par la violence des deux Animaux, se mit à regarder tout autour d’elle, désespérée de trouver un moyen fiable de venir en aide à Canaille. Son frère mangeait du choco-cannabis en observant le Lapin et le Dindon se massacrer la tronche, affichant une inquiétude immense et sincère. Mais sans rien faire. Elle leva les yeux au ciel, exaspérée. Son regard se posa ensuite sur le dispositif de Royal, qui gisait sur le sol, mais paraissait encore en état de fonctionnement. Elle s’élança en courant pour aller le ramasser. Une balle perdue la frôla, et elle eut l’impression de voir toute sa vie défiler devant ses yeux, de manière extraordinairement accélérée, et avec des images choisies. La plupart la montrait en train de massacrer verbalement Félix, tandis que le reste la montrait avec la tendre compagnie de sa bien-aimée. Rassérénée, elle se jeta sur le dispositif de manipulation des champs électromagnétiques et constata rapidement que, s’il semblait intact, elle ne savait pas du tout comment l’utiliser.

Il y eut une autre détonation, et une volée d’injures de la part de Canaille, qui arborait une vilaine blessure dans l’une de ses oreilles, là où la balle l’avait traversée. Sweetie courut vers son frère, qui continuait à fixer les deux combattants sans agir.

— Félix ! FÉLIX !

Elle le secoua dès qu’elle arriva à sa hauteur, et il poussa un cri de protestation.

— Mais qu’est-ce que tu fais ? Et comment tu peux être aussi classe en ayant un comportement aussi peu élégant ?

La deuxième question laissa l’actrice bouche bée. Félix réalisa qu’il était en train de devenir… indisposé. Trop de choco-cannabis.

— Tiens, prends ton machin et fais-le fonctionner !

Elle lui mit le dispositif entre les pattes, et il le fixa comme s’il s’agissait d’un objet qui lui était totalement inconnu.

— Félix, dépêche-toi !

Il y eut une autre détonation.

— BORDEL DE MERDE !

— TIENS BON, CANAILLE ! hurla en réponse l’actrice.

Elle jeta un rapide coup d’œil au Lapin et constata qu’il avait pris une balle dans l’épaule — celle qu’elle n’avait pas dégommée avec une flèche.

— Félix, dépêche-toi ! Fais quelque chose !

— Euuuuuuuh, OK… Comment ça s’utilise, déjà ?

L’illumination lui vint soudainement.

— J’AI TROUVÉ ! Je suis intelligent, hein ?

Le manque d’enthousiasme de sa sœur lui fit froncer les sourcils.

— OK… Il faut que je sauve Canaille et ses beauuuuuuuux yeux !

— Fais-le !

Lorsqu’une voiture décolla soudainement, Sweetie sursauta. Elle vit le véhicule se diriger vers Royal et Canaille, insulta mentalement son frère, et réagit aussi vite que possible.

— CANAILLE, BOUGE !

Le Lapin ne se posa pas de questions ; le Dindon non plus. Ils roulèrent sur le côté comme des pierres, et évitèrent de très peu la voiture envoyée par le Chat. La sidération se saisit des deux Animaux, mais le Volatile se ressaisit plus vite et tira sur Canaille. La balle s’arrêta juste devant le Lapin, et fit littéralement demi-tour pour venir se ficher dans le cou du Dindon. Du sang gicla, ce qui ne l’empêcha pas d’envoyer une flopée d’injures à l’encontre de son adversaire. Canaille récupéra son arme, et lentement, très difficilement, il se releva. Le combat était terminé, et ils avaient gagné.

Lorsqu’il se retrouva au sol, il eut du mal à réaliser qu’il venait de faire un malaise.

— Putain, je vais crever ! grogna-t-il.

Les deux Mardoner ne tardèrent pas à arriver dans son champ de vision. Félix se jeta à terre, à ses côtés, en pleurnichant, particulièrement éploré.

— Ne mourez pas ! Canaille ! Je vous en prie ! Nooooon !

La main du Lapin fut autour de sa gorge avant qu’il ne puisse le voir bouger.

— Je vais vous massacrer, Félix !

— On se calme ! s’écria alors Sweetie. Pas maintenant, Canaille, s’il te plaît !

Elle avait un téléphone contre l’oreille, et appelait probablement des renforts. À contrecœur, le Lapin lâcha le patriarche des Mardoner, et ignora la légère pitié que son air misérable insuffla en lui. Il se releva ensuite et Sweetie le regarda faire en écarquillant.

— Quoi ?!

— Tu… tu peux vraiment tenir debout ?

Il s’alluma une cigarette avant de répondre.

— Ouais, je suis un dur à cuire.

 

Royal Kelensor était, lui aussi, un dur à cuire. Il avait été hospitalisé sous la garde stricte des Lapins, et se remettait de ses blessures de manière spectaculaire. Le lendemain de son hospitalisation, il essayait déjà de s’échapper. Félix, lui, était chez lui, dans les ruines de sa maison, assis sur le sol. Il buvait un café en essayant de réparer un robot méchamment impacté par l’explosion de son domicile.

— Tu fais de la peine à voir.

La voix de Sweetie ne le déconcentra pas, et il demeura silencieux.

— Canaille va venir te voir.

Il releva vivement la tête, le cœur battant, plein d’espoir.

— Il va bien ?

— Physiquement, ça a l’air d’aller. Mentalement… Caoutchouc m’a dit qu’Eclipse n’avait pas été tendre avec lui, et qu’il était très déprimé. Je pense que la colère va vite prendre le dessus quand il sera face à toi.

— Face à moi ?! Pourquoi ? C’est toi qui lui as tiré des flèches dessus, je te rappelle !

Elle l’assassina du regard.

— Ce qui ne se serait pas produit si tu n’avais pas informé Royal de notre présence ! Bref, peu importe. Ce qui importe, c’est que Canaille croit que tu es responsable de la tentative d’assassinat sur Luna Ondoriam. Je lui ai dit que ce n’était pas toi, mais il y croit dur comme fer. Il pense que tu as manipulé Œdipe, et que tu as fait tout ça parce que tu savais à l’avance que les Lapins comptaient rompre leurs accords avec nous en faveur des Volatiles. Il pense que tu as donc organisé cette machination beaucoup trop complexe pour que les Canins et les Volatiles entrent en guerre, et pour humilier les Lapins. Je te connais, et je sais que tu n’as pas beaucoup de scrupules, tout comme je sais que tu es le roi des plans foireux hyper compliqués. Je sais, cependant, que ce n’est pas toi. Tu n’aurais jamais fait ça, pas vrai ? Et c’est ce qu’on va dire à Canaille. Pas vrai ?

Félix ne répondit pas. Il fixa sa sœur, en silence, immobilisé par le regard de la Chatte comme s’ils émettaient des rayons paralysants. Très dignement, il porta une main à l’une des poches de son costume, et en sortit une tablette de choco-cannabis. Il croqua dedans et la mâchonna précautionneusement. Sweetie le regarda faire sans un mot. La confusion fit place à l’agacement, puis, soudainement, elle fut frappée par une révélation comme elle l’aurait été par la foudre.

— C’est pas vrai ! Tu l’as vraiment fait ?!

— Je t’ai dit qu’il était coupable !

Les deux Chats sursautèrent. Canaille, étonnamment en forme, venait de surgir dans la pièce à demi-effondrée.

— Bonjour, Canaille, articula difficilement Félix. Ce n’est pas du tout ce que vous croyez.

Le Lapin était armé. Il avait un fusil à pompe entre les mains, et fixait avec une claire hostilité le patriarche de la famille Mardoner.

Félix se mit alors à imaginer cet instant dépeint dans un poème tragique.

« Toi, mon Amour

Tue-moi !

Emporte mon cœur avec toi,

Il battra pour toujours ! »

— Qu’est-ce que vous venez de marmonner ?!

Ah. Apparemment, il avait parlé à voix haute. Sweetie se frappa le front avec la paume de sa main.

— Je disais que je suis vraiment navré que vous me pensiez coupable de quelque méfait ! Je suis complètement innocent, Canaille, je vous le jure !

— Arrêtez de mentir, je sais que c’est vous ! Avouez, bordel de merde, ou je vais vous fracasser la tronche jusqu’à ce que vous disiez la vérité !

Félix couina. Il lança un regard à sa sœur, qui hésitait sincèrement à défendre son petit frère.

— Je ne voulais pas tuer Luna Ondoriam ! La tentative ne devait pas être aussi… bonne, j’ai mal configuré les robots ! Le plan était parfait, et vous, les Lapins, étiez censés vous en sortir avec une humiliation en poche et une bonne leçon du type : « il ne faut pas essayer de trahir les Chats ». Je suis infiniment désolé que vous ayez été blessé, Canaille, ça n’était pas du tout ce que je voulais, mais Nougat a eu ce coup de feu malheureux et, de fil en aiguille… Vous vous êtes retrouvé sous le feu des flèches impitoyables de ma chère sœur !

Sweetie poussa un grognement exaspéré.

— JE VAIS VOUS MASSACRER !

Félix miaula de détresse, et bondit sur ses pieds pour fuir alors que Canaille fondait sur lui.

— Je suis désolé ! Vraiment ! Je suis désolé, mais mettez-vous à ma place !

Le Lapin l’attrapa par le col et le souleva sans la moindre difficulté. Timidement, Sweetie, essaya de lui faire lâcher prise, en vain.

— Vous vouliez rompre nos accords ! De manière arbitraire, sans aucune autre raison que le fait qu’Eclipse ne m’apprécie pas ! Si nous avions décidé de vous trahir, vous nous auriez déjà tous abattus, non ?

Il fixa Canaille droit dans les yeux. Il y eut un léger moment de flottement.

— PUTAIN !

Le Lapin le lâcha et frappa un morceau de mur si violemment qu’il termina de le faire s’effondrer.

— Je ne vous épargne pas parce que je considère que vous avez eu raison ! Je vous épargne parce que vous me faites tellement pitié que je ne peux pas me résoudre à vous faire sauter toutes vos dents !

Le Chat hocha la tête.

— Je suis content d’être pitoyable à ce point, admit-il sans aucune honte.

Sweetie soupira.

— Tu vas le dénoncer, Canaille ? À ta tante et aux Canins ?

Le Lapin se cacha les yeux derrière sa main. Il avait tellement mal à la tête qu’il était au bord de la frapper contre une surface dure, juste dans l’espoir que la douleur disparaisse.

— J’ai quel autre choix ?! Je vais pas laisser les Canins et les Volatiles se faire la guerre injustement ! Je suis peut-être un connard, mais pas à ce point ! Si on vous met tout sur le dos, Félix, les Chats s’en sortiront !

— Mais pas lui !

— Il y a une forte probabilité pour que je sois exécuté, oui.

Un peu de choco-cannabis pour étouffer sa peur. Canaille avait rarement eu autant envie de briser une nuque. À part celle de Caesar, bien entendu.

— Si je vous dis qui est le traître, qui a essayé de faire tuer Mercure, vous garde mon petit secret.

Non, décidément, la nuque de Félix lui donnait encore plus envie de la briser que celle de Caesar. Un véritable miracle.

— Vous me faites un chantage, là ?

— Non, je négocie ! N’est-ce pas Sweetie ?

Elle laissa échapper une larme solitaire, avec toute son élégance habituelle. Son petit frère était trop stupide pour survivre, il allait mourir et elle ne pourrait rien y faire. Nuage allait être effondrée. Les enfants de Nougat aussi. Et peut-être même Nougat lui-même.

Tous les autres, probablement beaucoup moins.

Canaille soupira, fatigué et exaspéré tout à la fois.

— Je sais déjà que c’est cette garce de Topaze qui nous a trahis. Elle a jamais trop accepté d’être reléguée au rang de simple ouvrière, à l’usine, et de ne plus avoir le droit de voir son Codyl chéri. Je l’ai déjà balancée à ma tante.

— Ah. Donc je n’ai plus de moyen de négocier.

Silence. Le Lapin soupira une nouvelle fois, de plus en plus épuisé.

— Bordel, Félix, vous m’aidez pas ! Proposez un plan qui puisse tout arranger sans qu’on soit obligés de décapsuler votre sale tête de connard !

Il porta du choco-cannabis à sa bouche, et Sweetie le lui arracha des mains.

— Réfléchis, idiot !

Il cligna des yeux à répétition, et, faute de mieux à faire, obéit. Il mit en action les rouages de son cerveau embrumé.

— J’ai une idée ! Elle est brillante, vous allez l’adorer, Canaille !

— Ça m’étonnerait…

— Nous allons tout mettre sur le dos d’Œdipe ! Et je réussirai à persuader Luna Ondoriam de l’épargner, malgré tout, en raison de ses troubles paranoïaques ! Il ne peut pas être tenu responsable de ses actes !

La proposition était clairement immorale, mais dans le meilleur des cas, personne ne mourait et il n’y avait pas de guerre entre Clans. Canaille pesa le pour et le contre, insulta mentalement Félix, avant de soupirer.

— Ouais, OK. Mais si les Canins décident de buter Œdipe à cause de cette histoire, je leur balance toute la vérité ! Pigé ?

— C’est parfaitement clair ! Sweetie, tout est clair pour toi ?

— Limpide, soupira-t-elle.

Exaspérée, mais soulagée.

— Bon, je me casse. Si vous refaites des conneries, je vous démolis la gueule Félix !

Il n’attendit pas de réponse et partit sans perdre de temps, bien content de ne plus avoir à supporter le maudit patriarche de la famille dirigeante des Chats.

 

Deux semaines s’étaient écoulées depuis la confrontation finale contre Royal Kelensor. Ce dernier était en prison, et y coulait des jours paisibles, à base de tabassage de codétenus ou de geôliers. Topaze Guerindor avait elle aussi été jetée en prison par sa propre famille, pour une durée réduite, afin de « lui donner une bonne leçon ». Pâques avait été une réussite totale pour les Lapins, qui avaient renouvelé leur accord avec les Chats. Les Canins et les Volatiles étaient en paix, et Luna avait épargné Œdipe sans faire de difficulté. Les Chats s’en sortaient la tête haute. Personne n’était au courant des magouilles de Félix, et la balle de Nougat avait été pardonnée grâce à l’interpellation de Royal Kelensor. La maison du patriarche des Mardoner était toujours en travaux, mais Sweetie l’accueillait généreusement chez elle.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Félix était pourtant incroyablement déprimé, ce que sa sœur lui fit remarquer alors qu’il gisait dans son canapé, échoué comme un pauvre animal marin sur la plage, après une marée noire.

— Il me déteste, Sweetie.

— Laisse-moi deviner : tu parles de Canaille ?

Il hocha la tête et renifla alors que des larmes roulaient sur ses joues.

— Il ne prend plus mes appels ! Et quand je vais à l’Usine pour des réparations ou des révisions du matériel, il s’arrange pour m’éviter ! Il me déteste !

— Il est un peu en colère, mais c’est justifié, tu ne crois pas ?

Il nia de la tête.

— Tout s’est arrangé, pourquoi il m’en veut encore ?

— Ne fais pas l’enfant, Félix ! Tu as fait n’importe quoi ! Tu l’as mis en portafaux ! Et il a été blessé pour te protéger, malgré tes conneries !

— Il a été blessé parce que tu ne sais pas tirer correctement avec un arc ! C’est donc entièrement ta faute !

— Tu es vraiment un petit égoïste, ingrat et insupportable ! Pas étonnant que Canaille ne veuille pas de toi !

Moment de flottement. Félix se mit à pleurnicher, et Sweetie soupira profondément. Elle vint s’asseoir à côté de lui et lui proposa un câlin qu’il accepta sans aucune retenue.

— C’est rien, Félix. Il te pardonnera ! Tu dois juste lui laisser du temps…

— C’est trop long !

— Je ne t’ai même pas précisé combien de temps.

— C’est trop long quand même !

Sweetie soupira une nouvelle fois.

— Dis-toi que ça aurait pu être bien pire. Il aurait pu laisser Royal Kelensor te massacrer. Mais il est quand même venu pour te sauver. Ça veut dire que tu comptes pour lui, au moins un peu !

Félix entra en profonde réflexion. Un sourire finit par apparaître sur son visage. Il bondit sur ses pattes, et rajusta un peu le pyjama qu’il arborait.

— Tu as raison, ma très chère sœur ! Il est temps pour moi de sortir de cette déprime passagère ! et devine ce que je fais faire pour y parvenir ?

— Oh, non…

— Je vais organiser la plus grande fête de tous les temps ! Avec tellement de choco-cannabis que nous allons mettre à sec les stocks des Lapins !

FIN

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