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Justinember 2022

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Sur cette page, je vais compiler tous les extraits rédigés dans le cadre du Justinember 2022, un défi proposé par Justine C.M. sur les réseaux sociaux (lien vers son linktree).

Le défi consiste, en gros, à proposer quotidiennement un texte en rapport avec un thème et/ou comportant un mot à placer précis. Il dure durant tout le mois de Novembre.

Explications du défi 

J’ai choisi de suivre les deux listes de mots en même temps.

Merci bcp à Justine C.M. pour ce défi !

Pour répondre aux deux listes, j’ai choisi d’écrire quotidiennement un texte assez court, s’inscrivant dans un monde de fantasy et mettant en scène deux héroïnes : Akyzia et Kereane.

Il faut voir ces scènes comme un aperçu d’un récit complet. Elles sont liées, il y a une histoire en trame de fond, mais tout n’est pas compréhensible et connu par la lecture seule de ces extraits.

Sommaire :

Jour 1 – Thème : Renouveau / Mot à placer : Craquement
Jour 2 – Thème : Fantômes / Mot à placer : Fusion
Jour 3 – Thème : Brouillard / Mot à placer : Silence
Jour 4 – Thème : La couleur bleue / Mot à placer : Douceur
Jour 5 – Thème : Le changement / Mot à placer : Veinure
Jour 6 – Thème : L’amour / Mot à placer : Myriade
Jour 7 – Thème : Se protéger / Mot à placer : Rubicond
Jour 8 – Thème : La gentillesse / Mot à placer : Constellation
Jour 9 – Thème : Lire / Mot à placer : Clenche
Jour 10 – Thème : Le froid / Mot à placer : Zonzonner
Jour 11 – Thème : Souvenirs / Mot à placer : Vespéral
Jour 12 – Thème : L’angoisse / Mot à placer : Obombrer
Jour 13 – Thème : L’obscurité / Mot à placer : Transcendantal
Jour 14 – Thème : La mélancolie / Mot à placer : Spleen
Jour 15 – Thème : Le voyage / Mot à placer : Onirique
Jour 16 – Thème : La mort / Mot à placer : Délinéer
Jour 17 – Thème : La pluie / Mot à placer : Doléances
Jour 18 – Thème : La nourriture / Mot à placer : Contention
Jour 19 – Thème : Le sommeil / Mot à placer : Triturer
Jour 20 – Thème : L’alchimie / Mot à placer : Encre
Jour 21 – Thème : Soigner / Mot à placer : Soupir
Jour 22 – Thème : La musique / Mot à placer : Répétition
Jour 23 – Thème : Les secrets / Mot à placer : Limbes
Jour 24 – Thème : L’alcool / Mot à placer : Frondaisons
Jour 25 – Thème : La spiritualité / Mot à placer : Controverse
Jour 26 – Thème : La lune / Mot à placer : Azuréen
Jour 27 – Thème : La chute / Mot à placer : Parangon
Jour 28 – Thème : Le réconfort / Mot à placer : Griffonner
Jour 29 – Thème : Éclairer / Mot à placer : Convoluté
Jour 30 – Thème : L’oubli/ Mot à placer : Apnée

Jour 1 - Thème : Renouveau / Mot à placer : Craquement

La mort et la destruction. Rien d’autre n’entourait Akyzia. Tout avait été pulvérisé par la guerre. Les bâtiments, les gens et l’espoir lui-même.

En avançant dans la plaine ravagée par les bombes et défigurée par les corps, en respirant l’air souillé par le combat, Akyzia eut envie de tomber à genoux et de sangloter.

Un craquement attira son attention. Elle avait marché sur un morceau de métal méconnaissable, mais tellement abîmé qu’elle l’avait brisé en deux.

Ses larmes se mirent à couler, libérées par cette petite destruction supplémentaire qui s’ajoutait au reste. Elle les essuya d’un revers de la main rageur. Un bon soldat ne montre pas ses émotions.

Quel ramassis de conneries !

Elle poussa un cri de rage, espérant que la vie se manifesterait en réponse.

Elle n’obtint que le silence.

Akyzia se laissa donc tomber à genoux, suivant son impulsion première. À quoi bon continuer ? Tout était mort.

Son regard asymétrique se posa alors sur une tache de couleur, inattendue dans cette vallée morte grisâtre et sanglante. Du vert, du jaune. Une fleur, réalisa-t-elle.

Son cœur s’arrêta. Akyzia se releva, et elle avança lentement vers cet être vivant délicat. Elle craignait qu’un faux mouvement, qu’une respiration trop puissante dissipe ce somptueux mirage.

Lorsqu’elle arriva à hauteur de la fleur, cependant, elle dut reconnaître que cette illusion était réelle. Il y avait une fleur éclatante de vie au milieu de ce carnage.

Un genou à terre, et son regard put enfin se poser correctement sur cette manifestation merveilleuse.

Il s’agissait d’une jonquille. Symbole de la renaissance et du renouveau.

Akyzia se sentit sourire.

Il y avait encore de l’espoir. Tout n’avait pas été détruit.

Après la mort venait la vie.

Jour 2 - Thème : Fantômes / Mot à placer : Fusion

Kereane avait toujours eu peur des fantômes.

Lorsque Kereane était enfant, son grand frère lui avait raconté une histoire terrifiante. Une histoire de fantômes.

Dans cette histoire, un couple de meurtriers avait sévi pendant des années. Ils avaient tué des dizaines de personnes, avant d’être arrêtés et exécutés.

Au moment de mourir, les deux assassins avaient juré de rester éternellement dans le monde des vivants, sous une forme ou une autre, afin de continuer à faire du mal aux autres.

Quelques mois après leur mort, leur maison avait été revendue. Deux mois après l’installation des nouveaux propriétaires, ils avaient tous été retrouvés massacrés, à l’exception du père de famille. Jusqu’à son exécution, il ne cessa de prononcer les mêmes mots : « les meurtriers sont deux fantômes aux yeux de la même couleur que de la lave en fusion ».

Cette histoire avait marqué Kereane, au point de la traumatiser.

Kereane avait toujours eu peur des fantômes.

Mais maintenant que tout le monde était mort, maintenant qu’elle était seule avec son désarroi et son chagrin, elle n’avait plus peur des fantômes. Bien au contraire : elle recherchait leur compagnie. Constamment.

Une porte qui claquait seule animait son cœur d’espoir.

Un murmure au milieu de la nuit la faisait sourire.

Une ombre dans un miroir l’emplissait de joie.

Elle n’avait plus peur des fantômes, non.

Elle désespérait qu’ils ne soient pas réels.

Jour 3 - Thème : Brouillard / Mot à placer : Silence

Le brouillard était si épais qu’Akyzia désespérait de le voir un jour se dissiper. Il obscurcissait ses sens et assombrissait ses pensées.

Il était tout autour d’elle.

Il était dans sa tête.

Akyzia était habituée à voir, sentir et entendre. Malheureusement, le brouillard dans sa tête ne tolérait pas cela. Il lui imposait un vide sans fin et sans issue.

Entendre était ce qui lui manquait le plus.

Le silence la rendait malade. Elle s’était habituée aux bruits des combats, aux cris de guerre et aux gémissements de souffrance. Elle détestait ce qui était bruyant, mais c’était son quotidien. Elle voulait que ces sons qui la désespéraient reviennent.

Tout pour ne pas avoir à supporter le silence que le brouillard amenait avec lui.

Pourquoi était-il si épais ? Pourquoi…

Akyzia serra les dents, mécontente. Impossible de réfléchir avec ces aboiements de chien. Aboiements… Elle entendait ! Le brouillard se dissipait, elle récupérait ses sens !

Tout n’était plus que lumière et joie, à présent !

Le brouillard reviendrait, Akyzia le savait bien. Il revenait toujours.

Pour l’instant, cependant, il n’était pas là, et c’était tout ce qui comptait.

Jour 4 - Thème : La couleur bleue / Mot à placer : Douceur

Elle a les yeux les plus bleus que j’ai jamais vus. C’est la première chose qu’Akyzia a pensée en rencontrant Kereane.

Le ciel bleu est fade à côté d’elle. C’est ce qu’a pensé Kereane en entendant le rire d’Akyzia pour la première fois.

La première fois que Kereane a remarqué la douceur du regard d’Akyzia, celle-ci portait une veste aigue-marine.

La première fois qu’Akyzia a osé adresser la parole à Kereane, elles se trouvaient dans une librairie aux murs bleus comme l’océan.

La couleur bleue peut symboliser la loyauté ou la sagesse. Elle est souvent associée à l’apaisement.

Pour Akyzia et Kereane, le bleu symbolise leur histoire commune.

Le pull de Kereane était bleu canard lorsqu’elle a demandé à Akyzia si elle pouvait l’embrasser.

Le foulard d’Akyzia était bleu cobalt lorsqu’elle a dit oui.

Ce jour-là, le bleu est devenu leur couleur préférée.

Jour 5 - Thème : Le changement / Mot à placer : Veinure

Depuis des années, Kereane était dévouée à son travail. Malheureusement, son travail ne lui était pas dévoué.

Depuis quatre ans, elle travaillait avec efficacité. Elle aidait ses collègues et avait suivi la routine professionnelle sans jamais se plaindre.

Son « augmentation » salariale était inférieure à l’inflation ? Au moins, elle avait eu le droit à une augmentation.

Elle était obligée de faire des heures supplémentaires pour tenir des délais intenables ? Elle s’en sortait mieux que beaucoup d’autres.

Son collègue Grégoire avait reçu la promotion qui lui était promise à sa place ? Il avait un meilleur contact client qu’elle !

De quoi se plaignait-elle, au juste ? Elle avait un travail et un salaire. Elle pouvait s’estimer chanceuse !

Pourquoi changer alors qu’elle avait de la chance ?

C’était ce que Kereane ne cessait de se répéter. Le changement n’était pas toujours bon. On savait ce que l’on avait, pas ce que l’on aurait.

Son regard se mit à suivre les veinures du bois du bureau de son chef. Il lui parlait, mais elle ne l’écoutait pas vraiment. Lorsqu’elle se mit à sourire, il arrêta de parler, interloqué, mais elle ne s’en rendit même pas compte.

Elle était juste heureuse, car elle avait décidé de changer de travail. Enfin.

Jour 6 - Thème : L'amour / Mot à placer : Myriade

Kereane avait une myriade de choses à dire. Elle ne cessait jamais de réfléchir, de penser et d’anticiper.

Akyzia n’était pas très différente. Elle avait juste mieux appris à vivre dans l’instant présent, car elle avait plus d’une fois frôlé la mort. Elle n’était pas très bavarde, de toute façon. Ses pensées, elle préférait les garder pour elle.

Cela ne l’empêchait pas d’écouter Kereane avec attention, alors que celle-ci lui parlait de ce nouveau travail qu’elle convoitait, mais qu’elle craignait de ne pas avoir. Kereane avait calculé qu’elle avait environ 30 % de chances de le décrocher. Sa compagne n’avait absolument aucune idée d’où ce pourcentage provenait, mais elle ne posa pas de question. Elle préférait écouter, un petit sourire tendre à peine perceptible sur les lèvres.

— Tu m’écoutes, Aky ?

Elle hocha la tête. Ce n’était pas un mensonge : elle écoutait Kereane. Toujours. Elles s’observèrent un instant, puis le regard de Kereane se mit à briller. Akyzia fronça légèrement les sourcils, incertaine des émotions qui passaient dans les magnifiques yeux bleus de sa compagne.

— Je t’aime, Akyzia.

Ah. C’était donc ça.

— Je t’aime aussi, Kereane.

Elles se sourirent, puis Kereane se remit à parler, alors qu’Akyzia recommençait à l’écouter.

Les deux jeunes femmes ressentaient en cet instant exactement la même chose : contentement, apaisement, joie et amour.

Jour 7 - Thème : Se protéger / Mot à placer : Rubicond

Le Royaume Aderstel avait ouvert un Portail Interdit. Par conséquent, l’Empire Kelenvarn se devait de répondre immédiatement à cette violation flagrante du droit international. Il fallait attaquer pour protéger les populations innocentes de la folie du roi d’Aderstel.

Il fallait attaquer pour se protéger.

Le jeune et ambitieux Dariom III, empereur absolu de Kelenvarn, avait donc tenu un discours retransmis dans le monde entier pour déclarer une guerre « totale et sans pitié » contre le Royaume Aderstel.

La guerre était une nécessité, ne cessait de répéter Dariom III dans son discours. Akyzia ne pouvait qu’imaginer qu’il avait raison. Elle ne savait pas vraiment ce qu’était un Portail Interdit, et elle ne dirigeait pas l’un des plus grands états du monde, alors elle ne pouvait pas faire autre chose qu’imaginer.

Elle serait appelée à se battre, et elle le savait. Elle avait des dons trop précieux pour qu’ils ne soient pas utilisés. Elle avait été formée pour les utiliser ainsi.

Il fallait protéger les innocents, et elle le savait.

Pourtant, en regardant le présentateur au visage rubicond résumer le discours de leur empereur et parler ainsi de la guerre à venir, Akyzia ne pouvait pas s’empêcher de se demander qui allait la protéger elle.  

Jour 8 - Thème : La gentillesse / Mot à placer : Constellation

La nuit n’allait pas tarder à tomber, mais Kereane n’avait pas envie de bouger du banc où elle se trouvait. Le parc était trop calme, trop plaisant pour qu’elle se décide à partir. Sur la pelouse, à quelques mètres d’elle, des adolescents jouaient au ballon. Ils criaient beaucoup, mais Kereane n’était pas vraiment perturbée. Elle avait bien l’intention de rester ici pendant quelques heures encore, jusqu’à ce que les constellations montrent le bout de leur nez.

Elle savait les reconnaître depuis l’enfance, son grand-père étant un passionné d’astronomie qui lui avait transmis son savoir et son amour pour les étoiles. Un sourire doux-amer se dessina sur le visage de la jeune femme : penser à son grand-père était aussi doux que douloureux.

De son vivant, il était d’une grande bonté et d’une grande patience avec ses petits-enfants. Toujours attentionné et attentif, avec eux comme avec ses enfants, et de manière plus générale, avec tout le monde. Il aimait son prochain, et n’hésitait jamais à aider les autres. Un homme comme lui manquait terriblement, dans un monde où la bienveillance était au bord de l’extinction.

Un homme d’une quarantaine d’années, en tenue de sport, arriva dans le champ de vision de Kereane. Il faisait son jogging en courant à bonne allure, bravant le froid et la luminosité en baisse. Son pied gauche se coinça soudainement dans un trou du sol, et il tomba violemment par terre. Kereane mit une seconde à réagir, et elle se leva rapidement pour aller le rejoindre, inquiète. Les adolescents qui s’amusaient juste à côté avaient été bien plus rapides qu’elle, cependant, et ils avaient convergé comme un seul homme vers le malheureux coureur.

En approchant du groupe, Kereane put entendre l’inquiétude et la sollicitude des adolescents. Deux d’entre eux étaient accroupis auprès de l’homme et l’aidaient gentiment à se redresser. Tous lui demandaient s’il se sentait bien, et s’ils devaient appeler les secours, ou quelqu’un d’autre. Le coureur paraissait juste légèrement blessé, par chance, mais les adolescents continuaient à rester avec lui. Alors que Kereane se frayait elle-même un chemin jusqu’au blessé, pour lui proposer à son tour son aide, elle se surprit à sourire. Il y avait peut-être un peu d’espoir pour le futur, finalement.

Jour 9 - Thème : Lire / Mot à placer : Clenche

— Tu as lu la notice avant d’installer la porte ?

Kereane cligna des yeux.

— Je n’ai pas besoin de lire une notice pour ça, répondit-elle sur la défensive.

Akyzia ne fit pas de commentaire, se contentant de reprendre son examen de la porte en question. Une belle porte en bois pour finaliser les rénovations de cet abri de jardin qui allait enfin pouvoir être fonctionnel, après des mois de lutte.

— Tu n’as pas besoin de lire la notice, mais la porte ne ferme pas.

Kereane mitrailla sa compagne du regard, et Akyzia eut du mal à cacher un sourire amusé.

— Je croyais que tu adorais lire.

Akyzia savait qu’elle devait arrêter d’embêter sa moitié, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher.

— J’aime lire des histoires qui me transportent dans d’autres mondes ! Pas des notices qui parlent de portes !

— Ah. Qu’est-ce que tu lis, en ce moment ?

Si des yeux pouvaient tuer, Akyzia serait morte depuis longtemps. Elle eut beaucoup de mal à garder son sérieux alors que Kereane hésitait à lui répondre.

La clenche maudite, admit-elle finalement.

— Une histoire de porte, donc.

— Une histoire de porte maudite !

— Une porte qui ferme probablement mieux que celle-là…

— Bah non, justement, et c’est bien là le problème !

— Il y a un bouquin entier qui parle du problème des portes mal montées ?

— Quoi ? Non ! La serrure a été maudite par un magicien il y a très longtemps, et depuis, à chaque pleine lune, elle s’ouvre sur un monde maléfique qui laisse des tas de créatures envahir notre monde ! Il y a un triangle amoureux, aussi, et des oiseaux en chocolat !

— Tu sais, Kery, je pense qu’à choisir tu aurais mieux fait de lire la notice plutôt que ce truc.

— C’est parce que je raconte mal ! Et je lirai les notices à l’avenir, j’ai compris la leçon !

Akyzia ne put pas empêcher un sourire d’apparaître sur son visage, cette fois. Il était néanmoins plus tendre qu’amusé.

— Je vais m’occuper de cette porte. Dans un quart d’heure, elle sera fonctionnelle, promit-elle simplement.

— Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?

— Rien du tout. Va te détendre, lis ton livre palpitant, je viendrai te chercher quand j’aurai fini. Mais, Kery, avant que tu fasses ça, il y a quelque chose que je dois te dire.

L’air sérieux d’Akyzia inquiéta instantanément sa compagne.

— Je t’écoute.

— Si tu veux élargir ton champ de lecture, j’ai dans mes affaires un vieux catalogue sur les portes qui n’attend que toi !

Kereane lui jeta un regard noir, mais elle finit par sourire devant l’air réjoui d’Akyzia.

Jour 10 - Thème : Le froid / Mot à placer : Zonzonner

Lors de l’attribution de sa mission, personne n’avait parlé du froid à Akyzia. Personne ne lui avait parlé de l’immensité glaciale qui allait l’entourer lors de sa quête. Personne n’avait évoqué le froid qui allait infiltrer ses os et geler ses pensées.

Personne n’avait évoqué le froid qui allait se saisir de son être lorsqu’elle réaliserait tous les sacrifices qui avaient été faits pour préserver l’artefact qu’elle devait trouver… et détruire.

La neige formait un matelas blanc magnifique à regarder. Akyzia n’était pas habituée à une telle vision. Elle était née dans une époque au temps détraqué, qui ne laissait pas beaucoup de place à la neige, même en hiver.

Tout était silencieux, ici. Il n’y avait pas la moindre trace de vie. Akyzia se surprit ainsi à regretter des choses qu’elle abhorrait habituellement : le bruit des insectes qui venaient bourdonner au creux de ses oreilles, par exemple. Bourdonner, ou « zonzonner » comme le disait sa mère.

Ce souvenir fit sourire Akyzia.

L’artefact était proche, et elle n’allait avoir aucun mal à le trouver. Elle n’aurait plus qu’à le détruire, et la mission serait accomplie.

Les sacrifices faits pour le préserver ne signifieraient plus rien et tomberaient dans l’oubli. Tous ces gens qui avaient offert leur vie pour protéger l’artefact disparaîtraient.

La culpabilité d’Akyzia, elle, ne disparaîtrait jamais.

Avant même d’en avoir conscience, elle avait pris la décision de changer le plan : elle allait trouver l’artefact, et raconterait à tout le monde qu’elle l’avait détruit.

Elle le cacherait dans un endroit sûr, et retournerait écouter les insectes zonzonner.

Un plan parfait.

Jour 11 - Thème : Souvenirs / Mot à placer : Vespéral

— Je ne possède rien. Juste mes souvenirs.

Kereane ne répondit pas. Elle avait peur de cette femme, assise au milieu de son salon comme si elle y avait été invitée, alors qu’elle ne l’avait jamais vue auparavant.

Si seulement Akyzia était là.

— Je m’appelle Iana, se présenta l’inconnue.

Kereane hocha la tête, incapable de parler alors que ses yeux restaient fixés sur le grand fusil que l’inconnue — Iana — tenait entre les mains.

— Vous avez des souvenirs qui vous sont chers, Kereane ?

Comment connaît-elle mon nom ?

— Oui, comme tout le monde, j’imagine.

 La femme se leva, et Kereane recula par réflexe, terrifiée. Iana ne paraissait pas agressive, pourtant, et le canon de son arme était pointé vers le sol.

— Je pense que notre rencontre vous laissera un souvenir impérissable.

Iana quitta ensuite la pièce, et Kereane l’entendit sortir de la maison. Elle attendit longuement que ce cauchemar étrange prenne fin, mais elle finit par réaliser qu’elle ne se réveillerait pas. Ce n’était pas un mauvais rêve, induit par une imagination vespérale trop anxieuse, mais bien la réalité. Elle prit aussitôt son téléphone et composa le numéro de la police.

Souvenir impérissable ? C’est un euphémisme.

Jour 12 - Thème : L'angoisse / Mot à placer : Obombrer

Akyzia entendait les battements de son cœur comme s’il s’agissait de coups de canon. Elle n’arrivait pas à entendre quoi que ce soit d’autre. Les arbres formaient un toit végétal épais et menaçant. Ils obombraient la clairière dans laquelle elle se trouvait, et sa lampe de poche peinait à éclairer ce qui l’entourait. Un craquement la fit se retourner brutalement. Rien. Pourtant, la peur ne diminua pas, bien au contraire.

Perdue au cœur de cette forêt terrifiante, complètement seule, Akyzia se mit à souhaiter n’avoir jamais mis les pieds ici.

Le vent se leva, et les branches se mirent à danser tandis que les feuilles tremblaient. Le bruit ne rassura pas la jeune femme, mais il parvint au moins à la détourner des battements de son cœur. Lorsque le bruit du vent se mua en murmures — des murmures trop bas pour être compréhensibles, mais trop haut pour être ignorés —, elle dut se battre avec son instinct primaire de survie pour ne pas partir en courant.

Elle regrettait vraiment d’avoir quitté son lit ce matin.

Jour 13 - Thème : L'obscurité / Mot à placer : Transcendantal

Kereane avait beau se tourner et se retourner dans tous les sens, il faisait désespérément noir. Sa chambre était plongée dans le noir, et en quittant à tâtons la pièce, elle avait pu constater que toute sa maison avait sombré dans l’obscurité la plus totale. Même par la fenêtre du salon, dont les volets n’avaient pas été fermés, il n’y avait pas la moindre trace de lumière.

Il n’y avait pas de lune, pas d’éclairage public. Rien du tout.

Elle sursauta lorsqu’une lumière orangée envahit soudainement la pièce. Elle cligna des yeux à répétitions en se retrouvant face à Akyzia. La lumière orangée provenait d’elle et Kereane était éblouie par cette démonstration de magie.

— Tu es rentrée il y a longtemps ? réussit-elle à articuler.

— Il y a dix minutes. J’ai à peine eu le temps de me servir un verre d’eau avant que tout devienne noir.

Akyzia paraissait soucieuse.

— J’ai lu quelque part que rester dans le noir le plus total pendant plusieurs heures était une expérience transcendantale unique.

Kereane ne savait pas pourquoi elle avait eu envie de dire cela, et elle se sentit un peu embarrassée devant le regard sceptique de sa compagne. Akyzia eut un petit sourire.

— Je devrais vraiment me mettre à la lecture.

Sans savoir pourquoi, Kereane réalisa soudainement qu’elle n’avait pas peur. Malgré l’obscurité qui les engloutissait, et la sensation que quelque chose de grave était en train de se produire, grâce à Akyzia, elle n’avait pas peur.

Jour 14 - Thème : La mélancolie / Mot à placer : Spleen

Aujourd’hui, le spleen la rongeait.

Il n’y avait aucune explication à cela. Elle était rongée par la mélancolie et par les regrets.

Elle était rongée par le passé.

Je suis un bout de fromage face à une meute de souris, songea-t-elle avec amertume.

Le monde actuel était bruyant. Il était tout autour d’elle. Le présent l’entourait. L’avenir l’attendait.

Malheureusement, elle ne voyait rien. Elle n’entendait rien.

Pourquoi le ciel était-il aussi gris ?

Pourquoi faisait-il aussi froid ?

Pourquoi penser au passé ?

Akyzia n’avait pas la réponse.

Demain, ça ira mieux.

Elle rentra chez elle en s’accrochant à ce mince espoir.

Jour 15 - Thème : Le voyage / Mot à placer : Onirique

Akyzia avait l’impression d’être perdue dans une dimension onirique. Elle dormait et rêvait : il n’y avait pas d’autres explications à ce qu’elle voyait. Tout était… extraordinaire.

Le voyage avait pris trois mois. Trois mois à traverser des zones de plus en plus dangereuses, toute seule. Elle avait perdu le contact avec ses supérieurs dix jours auparavant, lorsque son téléphone satellite avait brutalement cessé de fonctionner.

Ces trois mois avaient été interminables. Emplis de peur et de souffrance. Marqués par une solitude presque insoutenable.

Akyzia avait regretté d’avoir accepté sa mission à peine quelques minutes après son départ.

Pourtant, en découvrant cet endroit merveilleux, elle pouvait sentir ses regrets s’évaporer.

Jour 16 - Thème : La mort / Mot à placer : Délinéer

Darean Derevot était mort.

Il s’était éteint la nuit dernière, après une « longue lutte contre la maladie ».

L’empire tout entier était en deuil. Son héros bien-aimé n’était plus.

Akyzia, elle, se sentait plus en colère que triste.

Darean Derevot n’avait jamais été malade. Dariom III, l’empereur absolu de Kelenvarn, le savait bien. Pourtant, il se lamentait avec hypocrisie sur ce « mentor » et « ami » décédé.

Akyzia n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer Dariom III. Maintenant qu’elle était face à lui, elle se rendait compte que ses appréhensions à son sujet étaient bien en dessous de la réalité.

Le jour qui s’infiltrait par la vaste fenêtre, dans le dos de l’empereur, délinéait sa silhouette, et donnait l’impression qu’il était entouré par un halo de lumière.

Son sourire était triste, comme son regard.

Il était un très bon menteur.

Pas suffisamment doué pour qu’Akyzia se laisse avoir, cependant.

Elle savait qu’il mentait. Elle savait qu’il était responsable de la mort de Darean Derevot.

Malheureusement, savoir ne lui donnait pas un plan.

Elle savait, mais elle ne voyait vraiment pas ce qu’elle allait pouvoir faire.

Jour 17 - Thème : La pluie / Mot à placer : Doléances

La pluie ne cessait de tomber, et son fracas résonnait dans les oreilles de Kereane. Le ciel était gris et nuageux, comme l’Empire lui-même.

Kereane aurait aimé naître avec le pouvoir de changer les choses. Elle aurait aimé pouvoir améliorer la situation dans laquelle le monde se trouvait.

Malheureusement, elle ne le pouvait pas.

Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était adresser ses doléances au ciel grisâtre, et espérer un meilleur avenir.

Jour 18 - Thème : La nourriture / Mot à placer : Contention

— Merci de t’occuper du dîner, chérie.

Kereane sourit à Akyzia.

— Oh, mais de rien, répondit-elle ensuite.

— J’aurais aimé le faire moi-même, mais avec mon épaule…

Kereane prit sur elle pour ne pas rire.

— Oui, ton épaule…

Akyzia s’était blessée lors de sa dernière mission. Depuis, des mesures de contention avaient été prises pour immobiliser son épaule, et elle ne pouvait plus du tout bouger le bras gauche.

— J’imagine que c’est aussi ton épaule blessée qui t’a poussée à essayer de remplacer la farine par le sel.

— Erreur d’inattention due à la douleur, grogna immédiatement Akyzia en réponse.

— Et le poulet carbonisé que tu nous as servi il y a deux semaines, c’était aussi ton épaule. Même si ta blessure date d’il y a trois jours.

Akyzia lui jeta un regard noir, et cette fois, Kereane ne retint pas son rire.

Jour 19 - Thème : Le sommeil / Mot à placer : Triturer

Akyzia voulait juste dormir.

Elle espérait pouvoir fermer les yeux et se reposer jusqu’au petit matin.

Elle espérait avoir une nuit complète de sommeil.

Elle espérait en vain.

Elle ne pouvait pas empêcher les douleurs du passé de triturer son esprit.

Elle ne pouvait pas empêcher les angoisses de la saisir, de nuit comme de jour.

Elle ne dormirait pas correctement, ce soir.

Comme tous les autres soirs.

Jour 20 - Thème : L'alchimie / Mot à placer : Encre

Akyzia observa attentivement l’alchimiste se servir lentement un café noir comme de l’encre. Il était très choqué, mais il le masquait efficacement —pas suffisamment pour tromper Akyzia, cependant.

— Qui pourrait vous en vouloir au point d’engager des assassins pour vous tuer, Monsieur Dalovin ?

— Le gouvernement !

Il n’avait pas hésité avant de répondre, et cela laissa son interlocutrice bouche bée.

— Ces assassins ont été envoyés par le gouvernement, car ils redoutent que je mène à bien mon projet actuel !

— Qui consiste en quoi ?

L’homme hésita longuement avant de répondre.

— Contrairement à ce que je prétends, je ne cherche pas à créer une pierre philosophale. Changer d’autres métaux en or, je ne vois pas l’intérêt ! J’utilise mon savoir et mes compétences d’alchimistes pour créer une pierre… différente.

— Dans quel but ?

— Franchir un Portail Interdit pour explorer ce qu’il y a de l’autre côté.

Akyzia écarquilla les yeux, choquée.

— C’est de la folie !

— Notre monde a besoin de folie pour survivre à l’humanité ! Regardez dans quel état nous l’avons mis !

Akyzia n’avait rien à répondre à cela. Elle demeura donc muette pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’elle trouve le courage de reprendre la parole.

— Expliquez-moi tout, Monsieur Dalovin. Je promets de vous aider au mieux.

Jour 21 - Thème : Soigner / Mot à placer : Soupir

Kereane regrettait presque de s’être portée volontaire.

Elle n’était pas médecin. Elle n’était pas infirmière. Elle n’avait jamais reçu la moindre formation de soignante. Elle n’était ici que pour aider des personnes véritablement qualifiées à faire leur travail. Elle le faisait, autant que possible, essayant de faciliter leur travail rendu presque impossible en raison du manque de volontaires et du nombre croissant de blessés.

Malheureusement, elle avait l’impression de s’être grandement surestimée. Elle peinait à supporter l’horreur qui l’entourait.

La mort, la souffrance et le désespoir régnaient tout autour d’elle. La peur était omniprésente, elle aussi, alors que les combats se poursuivaient à l’extérieur du bâtiment — un gymnase, gardé par quelques soldats qui paraissaient aussi terrifiés que les civils qu’ils protégeaient.

Une infirmière l’appela, et Kereane retint un soupir de désespoir. Elle avait peur de mal faire. Tout ce qu’elle voulait, c’était aider les gens à recevoir des soins corrects, mais elle avait peur de faire une erreur en aidant les professionnels de santé. D’être trop lente, d’apporter le mauvais nombre de compresses…

Lorsque l’infirmière lui sourit gentiment en la remerciant d’être là, Kereane trouva le courage de faire taire ses inquiétudes.

Il fallait se concentrer sur le moment présent, et agir.

Jour 22 - Thème : La musique / Mot à placer : Répétition

Kereane courait presque dans les rues. Elle était en retard. Vraiment en retard.

Elle était censée être arrivée depuis une demi-heure.

La répétition ne pouvait pas commencer sans elle : elle était la pianiste et seule musicienne du spectacle.

Ils n’avaient plus beaucoup de temps pour s’entraîner avant la grande première.

Les enfants allaient être tellement déçus…

Lorsqu’elle arriva en vue du bâtiment, elle faillit pousser un cri victorieux. Elle s’abstint cependant et entra vite.

Elle fut accueillie par des applaudissements et des rires d’enfants.

Tout le monde l’attendait, mais apparemment, personne ne lui en voulait.

C’est donc avec le sourire, rassurée, que Kereane alla se mettre en place.

Rapidement, la mélodie qu’elle devait jouer retentit dans la salle, et la répétition put enfin commencer.

Kereane réalisa alors qu’elle était probablement plus stressée que les enfants.

Tant mieux : l’important, c’était qu’ils s’amusent.

Et puis, en les entendant rire, Kereane se sentait de moins en moins anxieuse.

Jour 23 - Thème : Les secrets / Mot à placer : Limbes

« Les secrets rongent les âmes. »

La mère d’Akyzia aimait répéter ces mots. Jamais sa fille n’avait pu imaginer à quel point sa mère avait raison, jusqu’à aujourd’hui.

Akyzia connaissait un terrible secret, mais elle ne pouvait le partager avec personne. Pas même avec Kereane.

Depuis des jours, elle errait telle une ombre au sein de la maison de sa compagne. Elle évitait de croiser son regard, craignant que Kereane soit capable de lire dans ses pensées.

Elle avait honte de mentir ainsi par omission à la personne qu’elle aimait le plus au monde.

Elle n’avait pas le choix, cependant : la vérité qu’elle avait découverte était bien trop sombre pour être partagée.

Depuis qu’elle connaissait ce terrible secret, elle avait l’impression d’errer dans d’horribles limbes sans possibilités de retour. Son corps était présent, mais son esprit était lointain, comme prisonnier d’une autre réalité.

Akyzia avait envie de pleurer, mais elle ne pouvait pas. Pas alors que Kereane était assise à côté d’elle, paisiblement occupée à lire un roman de Fantasy. Un livre qu’elle ne tarda pas à déposer sur la table basse, avant de tourner toute son attention vers Akyzia.

— Mon amour, qu’est-ce qui ne va pas ? Je sais que quelque chose te tracasse.

— Je ne peux pas te le dire.

La douceur et l’amour lisibles dans les yeux de Kereane ne facilitaient pas la tâche à Akyzia, mais elle devait tenir bon. Elle ne pouvait pas se confier.

— Je suis là pour toi, Aky. Tu le sais, n’est-ce pas ?

La gorge trop nouée pour parler, elle se contenta d’acquiescer. Elle sentit des larmes brouiller sa vision, mais elle les ravala aussitôt.

— Il faut peut-être… que je me confie. Mais, Kery, c’est… c’est un affreux secret.

— La plupart le sont.

Kereane lui prit ensuite gentiment les mains, transmettant ainsi tout son réconfort.

La voix de la mère d’Akyzia retentit dans sa tête : « Les secrets rongent les âmes. »

Mais Kereane sauvera la mienne, songea-t-elle en réponse.

Jour 24 - Thème : L'alcool / Mot à placer : Frondaisons

Assise sur la terrasse de son jardin, Kereane observait les frondaisons des arbres.

Le spectacle était agréable, et il avait le mérite de vider complètement son esprit.

Pas de pensées négatives ou stressantes, pas de mauvais souvenirs.

Cette tranquillité absolue était enivrante.

C’était le petit alcool personnel de Kereane.

Un réconfort qui lui permettait d’oublier ses soucis.

À consommer sans modération.

Jour 25 - Thème : La spiritualité / Mot à placer : Controverse

Akyzia était perdue.

De son vivant, Darean Derevot, le héros de l’empire, avait accompli une dernière mission : trouver la mystérieuse Arme antique. Contrairement à ce que tous avaient affirmé — l’Empereur le premier —, cette quête avait été couronnée de succès. Darean Derevot avait cependant refusé de rapporter l’Arme Antique et de l’offrir à son souverain.

Il était mort peu après.

Darean avait tout de même eu le temps de cacher toutes les affaires en lien avec ses recherches, et par chance, Akyzia avait mis la main dessus avant l’Empereur et sa garde rapprochée.

Malheureusement, elle n’y comprenait rien.

Ces affaires étaient réparties en trois groupes : des livres, une photographie et un mot écrit à la main par Darean Derevot lui-même.

Les livres étaient des ouvrages de philosophie, de méditation ou de conseils pour atteindre son soi intérieur. Pas vraiment la tasse de thé d’Akyzia.

Le mot manuscrit était très court : « Il faut être à l’écoute de sa voix intérieure. »

Là encore, Akyzia ne voyait pas vraiment quoi en faire.

Restait la photographie.

Il s’agissait du portrait d’un homme nommé Alexandre Aorsterian. Un puissant magicien, sujet à la controverse depuis de nombreuses années.

Une personne pas vraiment recommandable.

Parle-moi, voix intérieure, exigea alors Akyzia.

Akyzia n’obtint aucune réponse articulée, ce qui ne l’étonna pas franchement.

Malgré cet échec, elle savait tout de même ce qu’elle avait à faire : trouver Alexandre Aorsterian.

Jour 26 - Thème : La lune / Mot à placer : Azuréen

Kereane ne savait toujours pas ce qu’Alexandre Aorsterian, un puissant magicien plus que controversé, faisait chez elle. Pour être plus précise, elle ne savait toujours pas pourquoi elle avait accepté de l’héberger chez elle.

Parce que l’amour de ta vie te l’a demandé.

Oui, certes. Elle regrettait cependant d’avoir accepté : Alexandre Aorsterian était très intimidant, et pas très sympathique.

Pourtant, lorsque Kereane vint le rejoindre dans le jardin pour lui proposer quelque chose à manger, elle ne put s’empêcher de le trouver particulièrement détendu.

Le regard azuréen du magicien était en effet tourné vers le ciel nocturne, dans lequel trônait une lune magnifique.

— Ma mère prétendait que la lueur de la lune pouvait guérir les peines du cœur et de l’esprit.

La voix d’Alexandre fit sursauter Kereane, mais elle se reprit bien vite et esquissa un petit sourire.

— C’est une belle croyance. Est-ce que ça marche ?

Il mit longtemps à répondre.

— Je crois que oui.

Comme pour le prouver, il se mit à sourire lui aussi.

Akyzia avait raison : il n’était pas si terrible, en fait.

Jour 27 - Thème : La chute / Mot à placer : Parangon

Akyzia avait envie de jeter un objet lourd sur la télévision de Kereane. Elle était fatiguée de voir l’Empereur Dariom III être présenté comme un parangon de vertu. Elle opta finalement pour un changement de chaîne salvateur et tomba en plein milieu d’un documentaire animalier. Un poulain tout juste né peinait à tenir sur ses pattes, et Akyzia se surprit à redouter de le voir tomber par terre. Elle adorait les animaux et craignait d’en voir un être blessé, même à travers un documentaire.

Cette notion de chute l’amena soudainement à penser à toute autre chose, ou plutôt à revenir à ses pensées initiales : Dariom III, sa vie, son œuvre. Il régnait sur son empire, intouchable, et se hissait de jour en jour un peu plus vers le sommet du monde.

Pourtant —et Akyzia le réalisait à peine —, sa chute était inéluctable. Dariom III avait menti, triché et tué pour assouvir son inextinguible soif de pouvoir. Akyzia le savait, tout comme elle savait que même en le prouvant de manière irréfutable, il s’en sortirait immaculé.

Malheureusement pour Dariom III, cependant, Akyzia savait beaucoup d’autres choses. Elle connaissait à présent des secrets magiques qu’il ne pouvait même pas imaginer, et elle détenait ainsi de véritables moyens de pression.

Faire chuter Dariom III ne serait pas simple. Ce serait incroyablement dangereux et incroyablement incertain. Il ne s’agissait plus néanmoins d’un simple rêve : c’était une possibilité.

Plus encore : il s’agissait d’une certitude.

Dariom III chuterait, que ce soit par l’action d’Akyzia, ou l’action de quelqu’un d’autre. Même si elle échouait à déboulonner l’Empereur, quelqu’un d’autre finirait par y parvenir. Demain, dans dix ans ou même dans cinquante ans. Il finirait par chuter.

Il ne serait jamais l’Empereur éternel qu’il se voyait déjà être.

Jour 28 - Thème : Le réconfort / Mot à placer : Griffonner

Kereane était envahie par une tristesse aussi inexplicable qu’implacable. Assise sur le canapé de son salon, elle fixait les pages de son livre sans être capable d’en déchiffrer le moindre mot. Elle ravala ses larmes avant qu’elles ne puissent couler, et jeta un regard discret à Akyzia. Celle-ci était assise sur une chaise, occupée à griffonner elle seule savait quoi sur un petit carnet. Elle paraissait très concentrée, et Kereane n’avait pas envie de la déranger. Après tout, sa peine n’était que passagère. Elle pouvait gérer ses émotions négatives toute seule, il fallait juste qu’elle soit plus combative, qu’elle se montre plus volontaire.

Akyzia arracha brutalement une page de son carnet et la froissa avant de la jeter par terre. Kereane la regarda faire avec des yeux ronds, surprise. En croisant son regard, sa compagne se montra brutalement très embarrassée.

— Désolée, Kery, j’ai une lettre très importante à écrire, mais je ne trouve pas les bons mots… Je me sens tellement… bête et inutile…

Kereane sentit son cœur se serrer. Elle ne voulait pas qu’Akyzia se sente ainsi. Jamais. Mais elle la comprenait : elle se sentait souvent ainsi, elle aussi. Tout comme elle voyait la tristesse qui se trouvait au fond de ses yeux bleus être reflétée dans le regard asymétrique d’Akyzia. Elles étaient toutes les deux tristes et anxieuses. Elles ne voulaient pas être un fardeau l’une pour l’autre, alors elles cachaient leurs peines et inquiétudes, quitte à en souffrir.

Un petit sourire fit son apparition sur le visage de Kereane. Un sourire similaire apparut sur celui d’Akyzia. Elle avait fait le même raisonnement que sa compagne, et en était arrivée à la même conclusion.

Akyzia se leva, laissa son carnet et son stylo derrière elle et vint s’asseoir à côté de Kereane. Sa simple proximité suffisait à apaiser un peu les tourments de cette dernière, et elle poussa un soupir de contentement.

Elles se prirent ensuite par la main et fixèrent le mur, sans rien faire d’autre.

Elles se sentaient bien, comme ça.

Toujours tristes. Toujours mélancoliques.

Mais maintenant, c’était supportable.

Jour 29 - Thème : Éclairer / Mot à placer : Convoluté

Il faisait de plus en plus sombre, et Kereane se sentait de plus en plus inquiète. Cette jolie promenade en forêt tournait à la catastrophe : elle s’était perdue, la nuit allait bientôt tomber, son téléphone n’avait plus de batterie et elle n’avait rien pour éclairer ses pas.

Elle poussa un cri lorsque quelque chose lui tomba sur l’épaule. Rapidement, cependant, elle réalisa qu’il ne s’agissait que d’une feuille convolutée, et elle laissa échapper un profond soupir de soulagement.

Cela ne réglait malheureusement pas son problème principal : elle était perdue dans la forêt, et elle avait besoin d’éclairage.

Comme si ses pensées avaient pris brutalement vie, une lumière orangée apparut entre deux grands arbres très feuillus, situés à plusieurs mètres de distance de Kereane. Cette dernière écarquilla les yeux, émerveillée et étrangement rassurée par cette apparition pourtant mystérieuse et donc potentiellement dangereuse.

L’apparition approcha, et la jeune femme ne bougea pas, incapable de se sentir menacée.

— Kery, tout va bien ?

L’apparition n’en était pas une : il s’agissait en fait d’Akyzia, entourée par un halo de magie orangée. Kereane sourit, incroyablement soulagée et heureuse.

— Je ne veux pas te déranger en pleine promenade, reprit « l’apparition », mais comme la nuit est en train de tomber et que tu ne m’as donné aucune nouvelle, je me suis permis de venir voir si tu allais bien…

— Tu m’as sauvée ! Mon beau lampadaire !

Akyzia la regarda comme si elle avait une deuxième tête qui venait de lui pousser.

— Lampadaire ?

— Tu es venue pour éclairer ma route, alors oui, tu es un beau lampadaire !

Il y eut un moment de flottement. Akyzia se mit ensuite à rire.

Son rire éclairait encore mieux la forêt, songea alors Kereane.

Jour 30 - Thème : L'oubli / Mot à placer : Apnée

Akyzia avait tant vu et tant appris ces derniers mois, elle avait accédé à tant de connaissances cachées et découvert tant de secrets perdus qu’elle avait l’impression de commencer à peine à vivre.

Elle avait l’impression d’avoir été en apnée toute sa vie, et de prendre tout juste sa première véritable bouffée d’oxygène.

Le savoir était douloureux.

Akyzia aimerait pouvoir tout oublier. Un bon coup sur la tête, une amnésie bienvenue : elle en rêvait parfois.

Ce serait lâche, mais tellement plus facile.

Oublier serait aisé. Confortable.

Injuste et impossible.

Elle ne pouvait pas gâcher ces connaissances inestimables, pas alors qu’elle était la seule à les posséder et à pouvoir les transmettre.

Il existait sûrement des moyens d’oublier. Des moyens plus sûrs et moins hasardeux qu’un coup sur la tête.

Elle n’avait néanmoins pas envie de les découvrir.

L’oubli était un souhait qu’elle n’avait pas vraiment envie de voir se réaliser.

Akyzia préférait savoir et souffrir.

Le Justinember est terminé (snif) !

L’heure du bilan est arrivée : Bilan du Justinember 2022

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