Cette histoire n’est pas destinée à un public jeune !
Dans cette histoire il y a de la vulgarité et de la violence gratuite. Beaucoup. Je ne cautionne pas.
Pas plus que je ne cautionne l’utilisation et le trafic d’armes.
Il y aussi un personnage important qui fume, mais je n’encourage pas du tout ça ! Fumer tue !
Et il y a de la drogue. De la consommation et du trafic. Je n’encourage évidemment pas ça non plus.
C’est une histoire à prendre totalement au second degré et qui, je l’espère, pourra vous tirer un sourire ou deux !
Confrontation finale
Canaille fumait, assis sur une vieille carcasse de voiture, dans le même parking qui lui avait servi à rencontrer Ruina Ackentors quelques jours plus tôt. En voyant arriver la voiture des jumeaux, il soupira. Enfin. Le véhicule se gara juste devant lui, et les deux énormes Lapins en sortirent, Biscuit boitant un peu.
— T’as toujours mal aux fesses ? lança Canaille.
Il était sincèrement compatissant, et l’autre Lapin acquiesça en grognant.
— Je peux même plus aller aux putes, chouina-t-il ensuite.
Et dire que Canaille le trouvait presque touchant, avant cette superbe réflexion.
— Vous m’avez trouvé du matériel ?
— Ouais, mais t’énerve pas !
Il observa d’un sale œil Pacha.
— Pourquoi je m’énerverais ?
— Parce qu’on t’a amené ce qu’on a trouvé, grogna Biscuit, et tu vas râler parce que c’est pas assez.
— Je pense pas que l’intégralité du matos des Canins serait assez… Je vais pas râler, c’est déjà cool de m’avoir trouvé des trucs. Faites voir.
Pacha ouvrit le coffre et Canaille laissa échapper malgré lui un grognement. Il venait de promettre qu’il n’allait pas râler, mais là… Il resta silencieux un moment, tirant sur sa cigarette pour calmer ses nerfs.
— OK… Donc on a… un fusil à canon scié, un revolver qui doit avoir au moins deux cents ans, un couteau de cuisine et… c’est une des épées de Tata… d’Eclipse ?
— Ouais. Elle est… « camoussée », je crois, c’est pour ça qu’on a pu la piquer. Elle s’en sert pas.
Canaille regarda Biscuit d’un air blasé.
— Elle est émoussée, Biscuit. Et ça veut dire qu’elle va pas me servir à grand-chose… Où sont les armes ? Pourquoi y a que ça ?
— Les Canins nous fournissent presque plus, répondit Pacha en serrant les poings. Ces bâtards !
— Ouais, et tout ce qu’on a, c’est mobilisé pour la défense de l’Usine. Tu sais que les Chats ont toujours pas réparé nos machines ? Ces bâtards !
Canaille ne répondit pas, hésitant. Il ne savait pas quoi faire. Il avait besoin de matériel s’il voulait avoir la moindre chance de tuer Crock et Zanzar Daraengar, et il n’avait plus beaucoup de temps devant lui. D’un autre côté, il ne pouvait pas voler aux Lapins leur matériel, pas alors qu’ils en avaient vitalement besoin. Par sa faute, en plus.
— Je vais prendre ce que vous avez, merci, les gars.
Canaille observait le bar où se tenait la soirée privée organisée par Ruina Ackentors. Une soirée pour une poignée de Reptiles seulement, dont Crock et Zanzar Daraengar. Canaille ne savait pas comment la Lézarde avait fait pour les pousser à s’exposer ainsi, loin de leur domaine bien protégé et entouré d’un service de sécurité aussi réduit, mais elle avait réussi et il tenait sa chance. Enfin, en théorie. En pratique… il allait vraiment se faire massacrer. Il termina sa cigarette et se mit en mouvement pour sortir de la ruelle où il se trouvait. Il allait faire le tour du bâtiment pour essayer de s’introduire discrètement à l’intérieur.
— Je peux savoir ce que tu fais là ?
Il fit volte-face et se retrouva nez à nez avec Eclipse. Il écarquilla les yeux et ses oreilles tombèrent sans qu’il puisse les en empêcher. Il ne se mit pas à pleurer cependant, et c’était une vraie victoire personnelle. Il ouvrit la bouche pour lui répondre, mais sa gorge était nouée. Cela ne faisait que quelques jours qu’il n’avait pas vu et entendu sa tante —enfin, son ex-tante —, mais cela lui était apparu beaucoup plus long. Depuis leur rencontre, Canaille et Eclipse étaient fusionnels. Ils se parlaient tous les jours, sans exception, que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les rares fois où ils ne s’étaient pas parlé pendant une journée, Canaille l’avait très mal vécu. Alors là…
— Canaille ?
— C’est pas tes affaires.
Pas la réponse la plus diplomatique, mais Canaille était plus à l’aise lorsqu’il aboyait que lorsqu’il parlait ou exprimait ses émotions. Eclipse étrécit les yeux, mécontente.
— Tes affaires sont mes affaires.
— Les affaires des Guerindor sont tes affaires ! Je suis plus un Guerindor, alors lâche-moi, OK ? Sans vouloir te manquer de respect et tout, hein…
Le regard de la Lapine était étrange et Canaille n’arrivait pas à le déchiffrer. Il soupira.
— Qu’est-ce que tu fais dans le coin ?
— Je t’ai suivi.
— Hein ?
— J’ai suivi les jumeaux, j’ai assisté à votre drôle d’échange dans le parking et ensuite, c’est toi que j’ai suivi.
— Pourquoi ?
— Je me faisais du souci et apparemment, j’avais raison.
Canaille ricana.
— Te fais pas de soucis pour moi, Eclipse, laisse-moi vivre.
L’entendre l’appeler par son nom et pas par l’habituel « Tata » fit grincer des dents la matriarche. Elle avait envie de frapper sa petite tête de Lapin trop mignon autant qu’elle avait envie de le serrer contre elle. Elle choisit finalement d’adopter un air et un ton autoritaires.
— Explique-moi tout de suite ce que tu fais ici et quelles sont tes intentions. Ne me mens pas, car je le saurai.
Canaille poussa un grognement, désespéré.
— J’ai trouvé un moyen de régler tous nos problèmes, mais ça nécessite que… j’entre dans ce bar pour… euh… parler à quelqu’un…
— Parler à quelqu’un ?
— Ouais, mais je peux pas trop t’en dire…
— Ah non ?
Il y eut un léger silence.
— Canaille, je sais que les Daraengar sont dans ce bar. J’ai reconnu la voiture de Crock.
— Tu l’as pas dit à Topaze, hein ? Ni aux autres, d’ailleurs, ils savent pas fermer leur bouche quand il le faut !
— Je ne l’ai dit à personne, Canaille. Qu’est-ce que tu veux aux Daraengar ?
Il resta longuement silencieux.
— Canaille ?
— J’ai passé des accords avec des gens qui peuvent nous permettre de conserver le Contrat du Chocolat. Et de ne plus être en tort dans le conflit qui nous oppose aux Reptiles et à leurs copains.
— Et ces accords sont ?
— Si je bute des Reptiles, tout est arrangé.
— Des Reptiles ? Combien ?
— Deux.
— Lesquels ?
Silence.
— Canaille ?
— Crock et Zanzar.
Eclipse demeura parfaitement impassible.
— Penche-toi, Canaille. Ne discute pas, fais ce que je te dis.
Il se pencha et elle attrapa fermement l’une de ses oreilles, le faisant immédiatement râler. Elle se mit ensuite à le trainer à sa suite, ignorant ses complaintes et ses grognements. Elle avait une force démesurée pour sa petite taille, et Canaille eut toutes les peines du monde à extirper sa pauvre oreille sensible de sa poigne de fer. Il y parvint alors qu’ils arrivaient au bout de la ruelle, et il fit aussitôt trois pas en arrière. Histoire de mettre une distance de sécurité entre eux. Il se frotta l’oreille, grimaçant sous le coup de la douleur.
— Je peux savoir ce que tu fais ?!
— Je te ramène à la maison, petit imbécile ! Il est absolument hors de question que tu essaies de t’en prendre aux frères Daraengar ! Ils vont te mettre en morceaux !
— Si je les bute, tout sera réparé ! De toute façon, je t’ai pas demandé ton avis ! Et c’est même plus ma maison, je te rappelle ! Tu m’as renié !
Eclipse ferma les yeux alors qu’elle avait l’impression de s’être pris un coup de poignard. « Il dit juste la vérité, pourtant ». Je sais, Voix Intérieure. Je sais.
— Je vais appeler du renfort.
— Non ! Ils ont leurs sources, ils vont le savoir et ils vont se tirer ! C’est une occasion en or de les buter ! Il y en aura pas deux des comme ça !
— Donc tu veux entrer là-dedans tout seul ?!
— J’ai pas vraiment le choix, grogna-t-il en réponse. Et tu me fais perdre du temps, ils ne resteront pas toute la nuit dans ce bahut ! il faut que j’y aille. A plus !
Il tourna les talons, déterminé.
— Je viens avec toi.
— Hein ? Non !
— Je ne te demande pas ton autorisation. Viens juste avec moi jusqu’à ma voiture, j’ai un peu de matériel à l’intérieur. On va ensuite les attaquer.
— C’est pas une ruse pour me kidnapper et m’empêcher d’y aller ?
Eclipse eut une franche hésitation avant de répondre.
— J’y ai pensé, et j’y pense encore, mais je pense pouvoir me contenir. Allez, viens.
Les deux Reptiles qui gardaient la porte, à l’intérieur du bar, ne virent rien venir. Aucun Reptile ne vit quoi que ce soit venir. La porte explosa, envoyant les gardes s’écraser à terre. Immédiatement, les dix autres gardes présents à l’intérieur, ainsi que les Daraengar présents, dégainèrent leurs armes. Ils se mirent tous à tirer de manière décérébrée, sans réfléchir, appliquant ainsi une technique digne de Pacha et Biscuit.
— Arrêtez de tirer ! aboya Crock après cinq bonnes minutes de fusillade.
Crock était un peu plus petit que Zanzar, et un peu moins musclé. Il était cependant énorme, musculeux, et avait des crocs particulièrement aiguisés. Ses écailles étaient bleu pétrole, ses yeux marron acajou tirant sur le rouge et les vêtements luxueux qu’il arborait étaient taillés sur mesure. Zanzar, son petit frère, lui ressemblait beaucoup, et arborait au-dessus des yeux plusieurs rangées d’écailles du même bleu que celles de son frère. Le reste de ses écailles étaient grises et ses yeux étaient identiques à ceux de Crock. Il se tenait aux côtés de son frère et de son neveu Codyl, le fils ainé de Crock. Même taille que son père, il était plus maigre et avait des écailles violet très foncé. Il partageait les yeux marron acajou de son oncle et de son père, et était l’héritier désigné pour prendre un jour la place de Crock en tant que patriarche. Trois hommes de main, sur indications muettes de Crock, se dirigèrent lentement vers la sortie du bâtiment. Ils regardèrent par l’ouverture laissée par l’explosion de la porte, et, ne voyant rien, prirent le risque de sortir. Les rues étaient complètement désertes, et l’un des trois hommes de main retourna à l’intérieur pour signaler qu’il n’y avait pas âme qui vive dehors. Il entendit un léger bruit dans son dos et fit volte-face avant de se tétaniser. Ses deux camarades étaient au sol, l’un d’eux avec la gorge tranchée, l’autre avec une blessure béante au niveau du cœur, probablement causée par une lame. Il jura et tira à droite à gauche avec son fusil mitrailleur, sans chercher à viser. Il tirait, car ça le rassurait, même si ça ne rassurait pas du tout les autres Reptiles restés à l’intérieur du bar.
— Qu’est-ce que tu fous ?! cria l’un d’eux en sortant.
Le Reptile qui tirait arrêta à ce moment-là et il sentit une violente douleur au niveau de sa gorge. Il s’effondra au sol en émettant de pitoyables gargouillis alors que Canaille arrachait de sa chair le grand poignard qu’il venait d’y planter. L’autre Reptile qui avait eu l’audace de sortir n’eut pas le temps de faire ou de dire quoi que ce soit avant que sa tête ne roule au sol, tranchée par Eclipse qui tenait en main l’une de ses épées – qui elle n’était pas émoussée. La tête roula jusqu’à atteindre l’entrée du bar, et les deux Lapins se dispersèrent rapidement, sachant pertinemment ce qui allait se passer. Quelques secondes plus tard, les Reptiles se remirent tous à tirer à la Pacha & Biscuit. Ils arrêtèrent cinq minutes plus tard, et un profond silence se mit à régner sur le quartier. Un nouveau Reptile fit une sortie timide, deux pistolets en mains, et Eclipse sortit silencieusement de la ruelle sombre où elle se cachait pour venir le massacrer. Le Reptile restait proche de l’entrée, incertain, mais prêt à tirer au moindre microson qui lui parviendrait. Il y eut un bruit provenant de sa gauche, probablement Canaille qui faisait diversion, et il se mit à tirer comme un dément. Alors qu’Eclipse allait venir lui trancher le cou, elle s’immobilisa et fit rapidement demi-tour. Elle évita ainsi une nouvelle salve de balles provenant de l’intérieur du bar, contrairement au malheureux Reptile qui fut changé en passoire en quelques secondes. C’était bien du Crock Daraengar, ça : utiliser ses propres hommes comme appât et les abattre sans l’ombre d’un remord en tant que « dommages collatéraux ». À la seconde où ils cessèrent de tirer, Canaille utilisa le lance-grenade prêté par Eclipse (qui avait du sacré matériel dans sa voiture, hein, c’est pas la patronne pour rien) et il tira quatre grenades en plein dans le bâtiment. Il se replia rapidement, laissant les Reptiles sortir par tous les côtés du bar, déverrouillant toutes les issues inaccessibles de l’extérieur. Les grenades explosèrent alors qu’Eclipse et Canaille se tenaient face au bâtiment, armés, et prêts à en découdre. Profitant de la débandade causée par Canaille, les deux Lapins s’adonnèrent à un jeu de tir et de massacre avec les Reptiles qui sortaient en paniquant. Discrets, rapides, précis et forts, les deux Lapins n’eurent aucun mal à se débarrasser des hommes de main encore en vie. Les Daraengar étaient introuvables, et Canaille se gratta l’arrière de la tête, sceptique.
— Tu crois qu’ils sont à l’intérieur ?
— C’est probable.
— Mais le bâtiment tombe en ruines ! Et les grenades ont dû leur exploser à la gueule, si c’est le cas ! Ils sont peut-être morts…
— J’aimerais en être certaine, mais honnêtement, ça m’étonnerait.
— Ils avaient peut-être une planque sécurisée en sous-sol ou quelque chose comme ça, non ?
— Possible. Entrons.
Ils passèrent par une porte coupe-feu latérale, et restèrent un instant interdits devant le spectacle de dévastation qui s’offrait à eux. L’intérieur du bar était complètement ravagé. Il y avait quelques cadavres de Reptiles, mais les trois Daraengar étaient présents et bien portants. Et ils étaient recouverts par des armures métalliques futuristes. Ils portaient des armures intégrales, recouvrant même leurs têtes et museaux, mais ils étaient reconnaissables par leurs gabarits et chacun avait sa petite couleur d’armure : Crock en bleu, Zanzar en violet et Codyl en vert.
— C’est quoi ce bordel ?! lâcha malgré lui Canaille.
— Eclipse Guerindor et son ancien neveu redevenu le fils Kellis !
Canaille fit un doigt d’honneur à Zanzar, et celui-ci secoua la tête d’un air réprobateur. Il leva ensuite son pistolet et le Lapin tira immédiatement avec son fusil à canon scié. L’armure encaissa sans aucun problème et cela fit grimacer les deux Lapins.
— Elle est complètement par balles, expliqua Crock d’un air réjoui. Et elle a plein d’autres fonctionnalités fascinantes. Félix Mardoner est un véritable génie, béni soit-il !
Canaille et Eclipse n’attendirent pas plus longtemps et ils sortirent en courant du bâtiment alors que les trois Crocodiles commençaient à les canarder. Ils se cachèrent derrière une voiture qui avait déjà pris quelques balles, et Canaille sortit son téléphone.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— J’appelle Mardoner !
Le Chat répondit assez rapidement, alors qu’Eclipse se chargeait de guetter les prochaines actions des Crocodiles. Tout était silencieux pour le moment, mais il était évident que les Daraengar n’allaient pas les laisser s’en sortir si facilement.
— Salut Canaille ! Que me vaut le plaisir ?
Le Chat laissa ensuite échapper un rire idiot.
— Vous êtes défoncé ou quoi ?!
— Ouais, répondit-il avant de rire à nouveau.
Si Canaille l’avait eu en face de lui, il lui aurait cassé tous les membres.
— OK, je m’en tape ! Ce que je veux savoir c’est pourquoi vous avez filé des armures high-tech aux Daraengar ?! Je croyais que vous pouviez pas les blairer !
— Ouais, mais ils paient hyper bien ! Je peux vous en faire une, si vous voulez… pour pas cher du tout, car je vous aime bien !
Nouveau rire stupide, mais Canaille n’eut pas le temps de lui répondre, car les trois Crocodiles traversèrent le mur du bar comme des missiles, grâce à l’impulsion du jet-pack intégré à chacune de leurs armures. Ils se posèrent devant la voiture, armes à feu en mains. Ils ne savaient pas que les deux Lapins étaient à quelques centimètres d’eux.
— J’ai envoyé un message à Moustique, il arrive avec des renforts, murmura Eclipse à son neveu. Les leurs risquent de ne pas tarder.
L’effet de surprise n’était plus du tout là, et les Reptiles allaient sans doute débarquer massivement dans la zone. Les Lapins avaient raté leur chance, et il allait falloir impliquer leur Clan. Au moins, ils n’avaient plus à craindre des fuites : c’était trop tard. L’intégralité de Faunsinland était probablement déjà au courant de ce bordel.
— ÉCLIPSE ! CANAILLE ! MONTREZ-VOUS ! hurla Zanzar.
Canaille grimaça et le rire stupide de Félix lui rappela qu’il était en ligne. Malheureusement, il ne pouvait pas parler sans trahir leur position. Il jeta un regard à Eclipse, demandant clairement « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Ils entendirent tous les deux les Crocodiles se déplacer discrètement pour contourner la voiture et Canaille jura mentalement.
— Canaiiiiille ? vous êtes encore là ?
— Allez vous faire foutre, Félix.
Il raccrocha aussi sec et se leva, pattes en l’air. Eclipse écarquilla les yeux, mais c’était trop tard : il était déjà sorti du couvert de la voiture.
Les trois Crocodiles le braquèrent dès qu’il fut à portée, et il soupira profondément.
— Un dernier mot, fils de bâtard ? lui demanda presque gentiment Zanzar.
— Codyl, sans déconner, je veux pas crever à cause de tes conneries !
Il y eut un moment de flottement, et Canaille reprit la parole.
— On avait un accord, j’étais censé pouvoir les buter facilement, pas me faire buter ! J’ai même entrainé ma Tante là-dedans, bordel de merde !
Zanzar se tourna vers son neveu, et même si son visage était caché sous son armure, Canaille savait qu’il regardait très mal Codyl.
— De quoi il parle ?
— C’est des conneries, Tonton ! Je te jure !
— Tu crois vraiment pouvoir semer la discorde entre nous, Canaille ? lança d’une voix doucereuse Crock. Eclipse ! Ton neveu est vraiment désespéré, on dirait !
Il était moqueur, mais il n’avait pas encore tiré, et Canaille savait que c’était parce qu’il était suspicieux. Pas autant que Zanzar, mais la confiance ne régnait pas, c’était évident. Et compréhensible : les Daraengar étaient prêts à tout pour avoir du pouvoir et de la richesse. Y compris à descendre des membres de leur propre famille.
— Il n’est pas désespéré, il est mécontent. Codyl n’a pas respecté les termes de l’accord qu’il a passé avec nous.
Eclipse était venue se rendre elle aussi calmement, tenant cependant sa longue épée en mains. Elle avait compris la tentative maladroite de Canaille de gagner du temps et de déstabiliser leurs ennemis, et elle participait avec enthousiasme. Suffisamment pour que Crock lui-même paraisse un peu troublé, tandis que Codyl paniquait carrément.
— Papa, c’est des conneries ! Je ne leur parle pas, je ne traine pas avec ces raclures de Lapins, j’ai passé aucun accord ! C’est du bluff !
— Je te rappelle que tu te tapes Topaze Guerindor, gronda Zanzar.
Eclipse eut le mérite de ne pas réagir malgré le choc qu’elle venait de recevoir. Crock, lui, n’avait pas sa maitrise.
— Pardon ?!
— C’est comme ça qu’on obtient la plupart de nos infos, expliqua son frère. Je croyais que ton connard de fils allait la manipuler, pas l’inverse !
— Mais c’est le cas, je te jure ! insista Codyl. Elle ne me manipule pas !
— Non, elle a juste servi d’intermédiaire ! intervint innocemment Canaille. Mais c’est pas elle qui nous a promis de servir Crock et Zanzar sur un plateau pour qu’on puisse les buter, c’est toi !
— Ferme ta gueule, enfoiré ! J’ai rien promis du tout !
— Tu nous as promis de mettre un terme à la guerre en échange du poste de patriarche des Daraengar, répondit froidement Eclipse. Nous avons accepté d’assassiner ton père et ton oncle pour te dégager le terrain, mais tu devais nous faciliter la tâche.
— Ces conneries d’armures étaient pas prévues, on n’a pas signé pour ça ! insista Canaille.
— SALE PETIT CON !
Zanzar avait craqué, et il se jeta sur Codyl pour le frapper. Leur collision émit un bruit très métallique, et Crock leur ordonna d’arrêter leurs conneries. Voyant qu’ils ne l’écoutaient pas, et que son petit frère avait entrainé son fils au sol pour le tabasser, il se tourna vers eux et perdit de vue les Lapins.
— ARRÊTEZ !
Zanzar obéit et relâcha son neveu.
— De toute façon, avec l’armure, tu peux rien me faire, gros con ! lâcha Codyl alors que son oncle se relevait.
Immédiatement, Zanzar se jeta à nouveau sur lui en grognant, et Crock dut venir le saisir par le bras pour qu’il laisse Codyl tranquille.
— On en parlera plus tard, après avoir buté ces deux connards ! gronda le patriarche.
Et évidemment, lorsqu’il se retourna, Canaille et Eclipse n’étaient plus là.
— TROUVEZ-LES !
— Ils ne vont pas mettre longtemps à nous retrouver, déclara Eclipse alors que Canaille allumait une cigarette.
Ils étaient à deux ruelles des Crocodiles, cachés derrière des poubelles.
— Ouais, je sais. Mais je crois qu’on a nos chances si on arrive à désactiver leurs armures.
— Crock pourrait être désarmé, à poil et sur une patte qu’il nous mettrait une raclée, Canaille.
Cela fit sourire le Lapin, qui se contenta de rappeler Félix Mardoner.
— Coucouuuu ! Vous n’êtes plus fâché ?
— Non, Félix, pas pour l’instant. J’ai besoin d’infos sur les armures des Daraengar, vous pouvez m’en donner ?
— Vous avez une jolie voix, Canaille.
— Super, merci. Les armures des Daraengar, Félix, concentrez-vous !
Il gloussa et Canaille soupira profondément.
— Elles ne sont pas totalement au point, vous savez. Mais je ne leur ai pas dit, sinon ils ne m’auraient pas payé ! Ne leur dites pas, hein, je ne veux pas les rembourser !
— Promis, ça reste entre nous. Donnez-moi des détails.
— Si vous cassez le bracelet, vous désactiverez l’armure !
Il fit signe à Eclipse d’approcher pour qu’elle puisse entendre ce que disait Félix sans haut-parleur.
— Quel bracelet, Félix ?
— L’armure apparait quand ils cliquent sur un bracelet sur leur poignet. C’est trop compliqué pour que je vous explique les détails… Je suis intelligent, hein ? Vous me trouvez intelligent, pas vrai ?
— Comment on casse les bracelets ?
— Aucune idée !
— OK, merci pour les infos…
— Je vous en prie ! Dites, Canaille, ça vous dirait un autre din…
Le Lapin lui raccrocha au nez alors qu’Eclipse demeurait pensive.
— Je pense qu’un coup d’épée devrait suffire.
— De toute façon, pour toi, tout se règle comme ça.
Cela fit simplement sourire la matriarche. Propulsé par les réacteurs de son armure, l’un des Crocodiles vint se poser dans la ruelle. Les deux Lapins attendirent qu’il passe devant leur cachette pour lui bondir dessus. Canaille n’eut aucun mal à lui arracher son fusil des mains, même s’il dut encaisser un coup de poing très douloureux au niveau de l’abdomen qui le cassa en deux. Eclipse utilisa son épée pour frapper le poignet gauche du Crocodile —Codyl — frappant ainsi le fin bracelet métallique vert qui s’y trouvait. Il y eut des étincelles et, brutalement, l’armure du Crocodile se dissipa.
— DÉCONNEZ PAS ! hurla le Crocodile juste avant de se faire violemment assommer par Canaille, qui s’acharna à coups de crosse sur lui jusqu’à ce qu’il soit bien inconscient.
— On le termine, Tata ?
Elle réprima un sourire satisfait en l’entendant l’appeler ainsi sans se corriger, mais elle n’eut pas le temps de répondre, car Crock et Zanzar déboulèrent dans la ruelle en jet-pack. Immédiatement, Canaille souleva Codyl et l’utilisa comme bouclier humain, laissant Eclipse se cacher derrière eux. Il lui braqua également un revolver sur la tempe, pour faire bonne mesure.
— Si vous tirez, vous terminez votre héritier !
Crock baissa son fusil à pompes, mais Zanzar haussa les épaules, continuant à braquer son fusil mitrailleur vers les Lapins et son neveu.
— Zanzar, baisse ton arme.
— T’as d’autres enfants beaucoup moins cons, Crock ! Ce sera pas une grosse perte !
— Zanzar, déconne pas !
Trop occupés à se parler, les deux Crocodiles étaient une fois de plus distraits. Eclipse en profita et elle sauta agilement sur Crock, tranchant son bracelet au passage avec son épée. Elle se réceptionna derrière le Crocodile, épée toujours en mains. Il fit volte-face et voulut tirer sur elle avec son fusil, mais elle frappa le canon in extremis avec la lame de son épée, suffisamment violemment pour que Crock lâche l’arme. Son armure se dissipa à ce moment-là, et les deux chefs de famille se firent face. Zanzar n’avait pas d’angle pour tirer sur la Lapine, et son regard était rivé sur son frère, qui lui tournait le dos et faisait involontairement écran pour elle. Canaille en profita pour lui jeter Codyl dessus, avant de se jeter à son tour sur le Crocodile. Il lui attrapa le bras et planta son poignard dans son bracelet. La lame ne s’enfonça pas dans sa chair, mais perça le petit gadget qui se mit à faire des étincelles, comme ses prédécesseurs, et l’armure de Zanzar disparut alors qu’il jetait son neveu au sol. Il voulut mettre une rafale de balles à Canaille, mais celui-ci se jeta au corps à corps sur lui et détourna l’arme vers le ciel. Zanzar tira dans le vide, et rapidement leur confrontation tourna en véritable pugilat. Le Crocodile était plus fort que le Lapin, mais celui-ci était déterminé et enragé. Le fusil mitrailleur finit par lui être arraché des mains et par glisser au sol, rapidement imité par le revolver de Canaille, puis par son poignard, laissant les deux Animaux se faire face sans armes à feu. Presque comme Crock et Eclipse, même si la petite Lapine avait toujours son épée. Alors que personne n’osait bouger, Crock attaqua, dévoilant sa maitrise martiale. Il ne mit pas très longtemps à désarmer Eclipse et à l’envoyer heurter durement le sol, ce qui la fit grimacer. Zanzar en profita pour se jeter sur Canaille à son tour, les entrainant tous les deux au sol. Il étrangla de toutes ses forces le Lapin, profitant de leur différence de puissance, et Canaille ne parvint pas à se dégager de lui malgré ses efforts. Cherchant à tâtons une arme à proximité, le Lapin toucha sa cigarette encore allumée qui venait de tomber au sol, et il la planta cruellement dans l’un des yeux du Crocodile. Il le lâcha en hurlant de douleur, et Canaille l’expulsa en arrière d’un coup de pied puissant.
— Voilà comment fumer peut vous sauver la vie, grogna le Lapin en se relevant.
Il jeta un regard inquiet au duel opposant Eclipse à Crock, et il grimaça. Le Crocodile bondissait dans tous les sens, impossible à suivre, et il frappait souvent la petite Lapine, qui encaissait remarquablement bien. Elle était vive, esquivait beaucoup, et se relevait vite lorsqu’elle était touchée. Malheureusement, elle n’avait clairement pas le dessus sur lui, et elle ne parvenait pas du tout à l’atteindre. Ramassant le poignard de Canaille, Zanzar se jeta sur lui une nouvelle fois et le poignarda profondément à l’épaule, le faisant jurer sous le coup de la douleur. Utilisant ensuite sa large gueule garnie de crocs, Zanzar le mordit au bras de toutes ses forces. Il ne lâchait pas et la pression exercée par ses mâchoires était suffisante pour casser l’os du Lapin. C’est exactement ce qu’il se passa et, fou de rage à cause de la douleur, Canaille lui mordit la mâchoire du dessus. Il n’eut aucun mal à franchir les écailles et à enfoncer ses dents dans la chair de Zanzar. Le Crocodile le lâcha en hurlant de douleur lorsque Canaille arracha un morceau de chair. Il mâcha et avala sans hésiter avant de sauter à nouveau sur Zanzar pour le mordre au niveau de la gorge. Canaille avait des dents plus létales que des couteaux, et cela se vérifia lorsqu’il lui arracha un nouveau morceau de chair, laissant le sang s’écouler à gros flots. Le Crocodile se tint la gorge en émettant des petits bruits peu ragoûtants, puis il s’effondra aux pieds du Lapin. Canaille cracha le morceau de chair encore dans sa bouche —il venait de se souvenir qu’il n’était pas un cannibale détraqué — et il lui cracha dessus.
— Ouais, il était claqué en fait…
— ZANZAR ! NON !
Crock regardait le corps de son frère chéri, en état de choc, alors qu’Eclipse se relevait en grognant. Le Crocodile se mit à hurler de rage et les deux Lapins grimacèrent. Il était vraiment énervé.
Cinquième chapitre (l’avant-dernier) publié !
On entre dans la dernière ligne droite! 😁