Cette histoire n’est pas destinée à un public jeune !
Dans cette histoire, il y a :
-de la violence gratuite (beaucoup)
-une énorme consommation de cannabis
-une énorme consommation de tabac
-des armes à feu et des armes blanches (trafic et utilisation)
–du langage vulgaire
Bien entendu, je n’encourage ou ne cautionne aucune de ces choses-là !
Comme pour Le Contrat du Chocolat, il s’agit d’une histoire à prendre au second degré qui, je l’espère, vous amusera (au moins un petit peu !^^)
Soirée catastrophe
Luna Ondoriam était une Louve au pelage gris, presque argenté par endroits, et noir. Elle avait des yeux jaunes perçants et était réputée pour son grand sang-froid. Elle avait vraiment une attitude de marraine de pègre, et même ainsi allongée sur un lit d’hôpital, elle ressemblait à la souveraine suprême de l’univers tout entier. Crimson, Rodolf et Rex étaient présents aux côtés de la cheffe de leur Clan, et malgré l’interdiction formelle de posséder des armes au sein de la clinique, ils étaient lourdement armés. Leurs visiteurs, eux, n’avaient pas ce luxe. Cela faisait partie des conditions pour aller parler à Luna Ondoriam : être désarmé. Autre condition, et la véritable raison pour laquelle Félix avait eu le droit de s’approcher de la cheffe des Canins, c’était la présence de Sasha Ovarnom, dont Luna était apparemment fan. Sasha était un Maine coon de plus de deux mètres de haut, presque aussi large que haut. Il avait une énorme masse de poils longs et soyeux, parfaitement entretenus, et son pelage était bleu (bleu comme pour un chat, hein, pas bleu comme le ciel, attention !). Il avait de grands yeux cristallins et était polydactyle au niveau des quatre membres, présentant ainsi un doigt de plus à chaque main et un orteil en plus à chaque pied. Il souriait, semblant parfaitement à son aise, alors qu’il avait murmuré quelques secondes plus tôt à l’oreille de Félix qu’il avait « tellement peur qu’il craignait un accident d’incontinence ». Luna scrutait les deux Chats, ainsi que Canaille qui les accompagnait, avec un pur regard de prédateur.
— Qu’est-il arrivé à votre bras, Félix ?
— Œdipe Vandiar m’a tiré dessus avec un arc.
Les quatre Canins affichèrent le même scepticisme.
— Pourquoi une personne aussi versée dans la technologie que Vandiar s’amuserait à vous tirer dessus avec un arc ?
— Apparemment, il est persuadé que tout ce qui est vaguement moderne est à mon service, même les armes à feu ! Il est plutôt perturbé, le pauvre, ce que je peux comprendre étant donné les circonstances…
— Quelles circonstances ?
— C’est lui qui a essayé de vous faire tuer, Madame, répondit alors Canaille. Il voulait faire accuser Félix.
Luna acquiesça pensivement, avant de porter son attention sur Sasha.
— Je suis extrêmement heureuse d’avoir la chance de vous rencontrer en personne, Monsieur Ovarnom.
Le Chat lui adressa un sourire éclatant, mais il ne répondit pas. Félix le connaissait assez pour savoir que son mutisme était dû à sa nervosité, même s’il ne laissait rien apparaître. Le téléphone du patriarche des Mardoner se mit à vibrer, et il s’excusa avant de consulter ses messages. Il haussa les sourcils avant de taper une réponse, et se mit ainsi à ignorer complètement les Canins. Sasha, lui, continuait à sourire sans parler, le regard baissé vers le sol. Canaille soupira, exaspéré. Il allait devoir faire lui-même la conversation. Alors qu’il n’était même pas concerné par cette discussion : les Lapins et les Canins étaient en termes parfaits. Il n’était même pas censé être là. D’ailleurs, Eclipse allait lui arracher les oreilles quand elle apprendrait son implication aux côtés des Chats. Ou pire : elle le désadopterait une nouvelle fois. Il inspira profondément pour ne pas céder à la panique, avant de prendre la parole.
— Œdipe ne voulait pas vraiment vous tuer, il voulait juste causer une guerre entre vous et les Chats pour être sûr que l’accord entre mon Clan et les Volatiles soit confirmé.
— Mais cet accord était prévu de longue date, n’est-ce pas ?
La question mit Canaille mal à l’aise, car oui, c’était la vérité, mais les Chats n’étaient pas obligés de le savoir. Même s’il était plus que probable, étant donné les déclarations récentes des Volatiles et des Lapins, qu’ils le sachent déjà.
— Il y avait des négociations, ouais, mais les Volatiles ont eu peur que ça aboutisse pas, à cause de la relation entre Sweetie et Caoutchouc. Du coup, ils ont demandé à Œdipe de régler le problème en ternissant votre relation avec les Chats pour les rendre infréquentables.
« Ils » désignaient en réalité Jewel Carpirian, le chef du Clan des Volatiles, et le reste de sa famille. Luna acquiesça une nouvelle fois pensivement.
— Je suis une grande admiratrice de Sweetie, mais je n’ai pas osé demander à ce qu’elle vienne. Avec son renvoi de Chatte Périlleuse, et son remplacement par Scarlet, j’ai pensé que ce serait malvenu. J’ai eu raison, n’est-ce pas Félix ?
Le Chat ne répondit pas, trop occupé à taper sur son téléphone. Rodolf grogna, prêt à passer à l’attaque. Canaille arracha le téléphone des mains de Félix, exaspéré, faisant protester le Chat qui parut ensuite reprendre conscience de là où il se trouvait et de ce qu’il faisait là. Le Lapin, lui, hésita entre se cogner la tête contre un mur et étrangler Félix alors qu’il découvrait les messages que celui-ci était en train d’envoyer avec un mystérieux interlocuteur — mystérieux interlocuteur s’avérant être l’énorme Maine coon qui se situait à moins d’un mètre de lui.
— Oui, tout à fait Luna ! s’exclama Félix avec entrain, n’ayant absolument aucune idée de ce qu’elle venait de lui demander.
Luna, pas dupe, échangea des regards avec ses trois Canins accompagnateurs. Cela rendit Sasha extrêmement nerveux, et il laissa échapper un léger miaulement de détresse. Il regarda Félix, et il y eut un échange subliminal entre eux que Canaille ne parvint pas à déchiffrer. En revanche, lorsque Sasha commença à soulever son haut pour le retirer, le Lapin comprit que l’échange muet entre les deux Chats avait dû être profondément débile. Les quatre Canins haussèrent tous leurs sourcils, ayant l’impression d’halluciner, et le Lapin se jeta sur Sasha pour le forcer à garder son t-shirt en place.
— Bordel, qu’est-ce que tu fais, espèce de gros con ?! murmura-t-il entre ses dents serrées.
Terrifié par Canaille, Sasha leva les mains en l’air.
— JE ME RENDS !
— Mais ferme ta gueule, putain !
— On pourrait savoir ce qu’il était en train de faire ?
La question de Crimson était posée d’un ton mesquin, et les quatre Canins attendaient avec beaucoup d’impatience une justification. Canaille se lança alors dans le premier mensonge lui passant par l’esprit — pas très brillant, certes, mais il n’avait rien d’autre à offrir.
— Sasha voulait vous montrer son… flanc. Gauche. Parce qu’il compte se faire un tatouage dessus, mais il hésite sur la taille. C’est un tatouage en rapport avec son combat pour l’environnement, la raison pour laquelle vous admirez son travail !
Il avait précisé volontairement pour que cet abruti d’influenceur ait le message. Félix et Sasha laissèrent tous les deux échapper un son de type « ah c’est donc pour ça !! » qui donna envie à Canaille de les assassiner sur place.
— Quel tatouage ? demanda alors Luna.
Elle était complètement neutre, attendant simplement une réponse, ce qui donna la furieuse impression au Lapin qu’elle se foutait juste de leur gueule. Il décida de s’enfoncer dans son mensonge quand même, car il n’avait franchement rien de mieux à proposer.
— Un… flingue. Qui tire sur… un arbre dont l’écorce est fendillée… sauf que le flingue tire des pansements… bref, un truc comme ça, vous voyez l’idée !
— Ça explique tout, répondit narquoisement Crimson.
— Oui, dire qu’on croyait que tu tripotais Sasha pour le fun ! renchérit Rex.
— N’importe quoi ! intervint aussitôt Félix, complètement outré. Canaille et Sasha ? Se tripotant ? Jamais de la vie ! Ils n’ont rien en commun, RIEN !
Il y eut un silence un peu gênant alors que tout le monde fixait Félix, sidéré.
— Ouais, ça et puis je tripote pas les gens de manière générale, ajouta finalement Canaille.
Luna acquiesça, encore une fois, toujours pensive.
— Je suis fatiguée, alors je vais vous demander de me laisser réfléchir à tout cela. Félix, j’aimerais que vous me livriez Œdipe d’ici à demain. Nous allons l’interroger et vérifier vos dires.
— Avec grand plaisir, Luna !
— Sasha, j’espère que vous avez un peu de temps à m’accorder. J’aimerais parler un peu de vos projets de sensibilisation aux problématiques environnementales.
Il sourit d’un air idiot, et Canaille se frappa le front avec sa paume.
— Il a plein de temps libre ! s’agaça alors le Lapin. Au revoir Madame Ondoriam ! Allez, ramenez-vous, Monsieur Mardoner !
— Au revoir ! les salua poliment la Louve alors que Canaille traînait Félix à sa suite.
Canaille avait raccompagné Félix chez lui, et le trajet avait été très silencieux, le Lapin étant perdu dans ses pensées alors que le Chat échangeait des messages avec l’ensemble de sa famille pour les tenir au courant et donner des instructions au sujet d’Œdipe. Lorsque Canaille arrêta la voiture devant la maison du Chat, aucun des deux Animaux ne bougea, se montrant hésitant.
— Il faut que je vous parle, lâchèrent-ils d’une même voix.
Félix écarquilla les yeux, choqué. Canaille était-il lui aussi tourmenté par leur dernière rencontre (dernière rencontre si on excluait leurs deux véritables dernières rencontres, bien sûr) ? Le Lapin fronça les sourcils.
— Vous voulez me parler de quoi ?
— La même chose que vous ?
— Sérieux ? Vous aussi vous…
— Pensez à notre dernière entrevue ? Oui, beaucoup. Depuis des semaines !
Canaille fut envahi par la confusion.
— C’est pas ce que j’allais dire, mais maintenant je suis curieux. De quelle entrevue vous parlez, là ?
Ah. Donc ils n’étaient pas du tout sur la même longueur d’onde. Cela n’étonna pas vraiment Félix : ils n’étaient jamais sur la même longueur d’onde.
— Il y a un mois. Vous… vous êtes venus chez moi et… je vous ai dit… quelque chose qui… a fait que… vous étiez en colère contre moi et… vous avez même bloqué mon numéro, je pense… ou vous ignorez mes messages…
Canaille fronça les sourcils, mais Félix reprit vite la parole pour ne pas lui laisser le temps de répondre.
— Je voudrais qu’on parle de ce… quelque chose. Vous voyez de quoi je parle, probablement mieux que moi, vu que j’étais un peu… indisposé.
Le silence qui s’imposa ensuite faillit rendre le Chat malade. Canaille prit tout son temps pour répondre, et Félix avait envie de le secouer pour qu’il accélère.
— J’ai pas bloqué votre numéro.
C’était de ça que Canaille voulait parler en priorité ? Sérieusement ?
— Par contre, j’ai changé de numéro, il y a un mois à peu près. J’ai envoyé un message à tous mes contacts pour les prévenir, vous avez dû le zapper.
Vaguement, Félix se souvint d’un message reçu deux jours après leur dernière entrevue. Il l’avait supprimé sans le lire, trop angoissé par ce qu’il pouvait contenir. Il eut un petit rire nerveux.
— Ah, oui, j’ai… je l’ai vu passer, mais j’ai… euh…
— Je vous en renverrai un, soupira Canaille.
— Je vous en remercie.
Silence.
— C’est tout ?
— Hein ?
— Vous n’avez pas bloqué mon numéro, ce dont je suis sincèrement ravi, mais vous n’avez rien d’autre à dire ? Au sujet de ce que je vous ai dit ce néfaste soir-là ?
Canaille soupira profondément.
— Franchement, je suis surpris que vous vous souveniez de quoi que ce soit. Vous étiez complètement dé-chi-ré ! Mais vous inquiétez pas, je vous en veux pas. Je sais que vous aviez abusé de l’alcool et de la drogue et vous étiez pas frais, alors même si j’ai eu envie de vous arracher la tête à mains nues, je vous ai vite pardonné !
Là, Félix était complètement perdu. Canaille était outré par l’aveu de ses sentiments au point de vouloir lui faire la peau ?!
— Je suis navré si je vous ai vexé ce soir-là, Canaille, sincèrement…
Il était vraiment embarrassé, ce qui ne lui arrivait pas souvent. Vraiment, vraiment pas souvent. Il avait un peu envie de pleurer, aussi. Il prit son courage à deux mains, cependant, et décida de creuser un peu, quitte à craquer et à vraiment pleurer.
— Je ne me souviens pas de tout, pour être honnête, alors pourriez-vous me rappeler ce que j’ai pu dire de si… offensant ?
— Je vais pas rentrer dans les détails car ça m’énerve rien que d’y repenser, mais vous m’avez sacrément insulté. Vous m’avez traité de tous les noms, puis vous avez dit que je faisais exprès d’être aveugle ou je sais pas trop quelle connerie, puis vous vous êtes remis à m’insulter. Je me suis barré en claquant la porte, et je vous ai peut-être dit deux ou trois horreurs au passage, genre que j’espérais que vous alliez vous étouffer dans votre vomi. Bref, rien de grave.
Canaille s’alluma une cigarette, ce qui laissa au Chat un peu de temps pour encaisser ce qu’il venait de dire.
— Quoi, c’est tout ?!
Félix était… il n’arrivait pas précisément à savoir ce qu’il était. Un mélange de confusion et de dévastation menaçait de le submerger, certes, mais ce n’était même pas le début du tourment émotionnel qui se saisissait de lui. Canaille fronça les sourcils.
— Vous m’avez insulté gratuitement, je pense que c’est déjà pas mal !
— Je… je n’ai rien dit d’autre ?
Le Lapin nia de la tête. Félix songea vaguement qu’il aurait dû en être soulagé, pourtant, il ne se sentait pas du tout soulagé.
— Cool, super ! Bon, je vais vous laisser, bonne soirée, Canaille !
Il sortit de la voiture comme si elle était en feu, et se jeta à l’intérieur de sa maison. Il claqua la porte derrière lui, alluma les lumières et râla immédiatement après ses domestiques robotiques qui étaient complètement inexistants. Normalement, deux robots devaient venir l’accueillir : un majordome et un garde du corps armé. Le majordome était une création récente, pas tout à fait au point, et son absence n’était donc pas très étonnante. Le garde du corps, en revanche, était parfaitement fonctionnel. Pourquoi n’était-il pas là ?! Avant que Félix ait eu le temps de creuser la question, on sonna à la porte. Il ouvrit pour se retrouver nez à nez avec Canaille, et il se retint de lui claquer la porte au nez — s’il faisait cela, le Lapin risquait de lui éclater la tronche. Ou pire : il ne voudrait plus jamais lui adresser la parole !
— Je sais pas trop pourquoi vous vous êtes barré comme ça, mais j’ai des trucs à vous dire, moi aussi !
Très juste. Félix avait oublié que Canaille voulait lui parler. Il reprit contenance, sourit largement au Lapin, et l’invita à entrer.
— Y a des trucs qui sont pas logiques, dans toute cette histoire ! Déjà, pourquoi Œdipe a pris le risque de foutre en l’air l’accord entre son Clan et le mien en essayant de vous faire accuser aussi grossièrement ?
— Œdipe est brillant, mais il a deux défauts : il n’est pas très logique, et il ne peut pas me saquer !
— Mais les problèmes à l’Usine ! Aucun Volatile, ni Œdipe, ni aucun autre n’a eu accès à nos machines, pourtant, on a eu des tonnes de problèmes, dernièrement ! Vous êtes bien placé pour le savoir, vous arrêtez pas de faire de la maintenance pour nous !
Félix venait, effectivement, en personne dès qu’il le pouvait. Pas parce que la réparation des machines nécessitait sa présence, non, mais bien parce qu’il avait ainsi l’occasion de voir Canaille plus souvent. Il se savait pathétique, inutile de le lui rappeler, merci, et inutile de le dire aux Lapins.
— J’ai une explication pour ça ! Ça m’était complètement sorti de la tête, mais je pense qu’il y a un traître parmi les Lapins ! Quelqu’un qui a engagé Royal Kelensor pour tuer votre oncle Mercure et qui a donné au tueur à gages de l’acide suffisamment puissant pour faire fondre l’un de mes drones ! Ce Lapin traître travaille probablement à l’Usine, d’où les dysfonctionnements !
Canaille se mit à rire, brutalement. Félix appréciait son rire, il avait cependant l’impression que là, le Lapin n’était pas vraiment amusé. Pas du tout amusé, même.
— Donc, il y aurait un putain de traître chez nous, quelqu’un qui veut faire foirer Pâques et qui a voulu faire buter Mercure, et vous, vous avez « oublié » de me le dire ?! Le cannabis vous a désintégré le cerveau, ou quoi ?!
— Je suis désolé ?
Il couinait et demandait plus qu’il ne présentait des excuses, et cela ne calma pas beaucoup Canaille. Il y eut un moment de flottement, puis le Lapin soupira profondément.
— OK, on va dire que c’est pas grave… C’est qui le traître ?
— Je n’en ai absolument aucune idée !
— Vous savez toujours tout ! Vous aviez mis les Reptiles sur écoute ! Vous avez trouvé la localisation de Royal Kelensor en quelques heures là où des Clans entiers échouent à le faire depuis des années ! Vous avez identifié Œdipe comme étant le vrai coupable de sabotage en quelques jours ! Tout le monde sait que vous savez tout et que vous manipulez tout ce qui bouge grâce à votre savoir et…
Canaille s’interrompit brutalement, envahi par un doute désagréable. Félix le fixa silencieusement, confus et inquiet à la fois.
— C’est impossible que vous ayez pas su à l’avance que ma Tante voulait vous remplacer.
— Comment ?
— C’est impossible que vous ayez pas été au courant des semaines à l’avance des accords que mon Clan passait avec le Clan des Volatiles ! insista Canaille.
— Des accords secrets, Canaille. Et le principe d’un secret, c’est qu’il ne soit pas connu par tous, et certainement pas par nous, les Chats, que vous, les Lapins, avez décidé de trahir si injustement !
Canaille avait du mal à se concentrer et à ordonner ses pensées ainsi que ses émotions. Il avait l’impression d’avoir une révélation, et de commencer à comprendre le début de quelque chose très important. Il était également submergé par un sentiment de trahison, si grand qu’il arrivait de manière surprenante à surpasser sa colère. Il ouvrit la bouche, mais s’interrompit avant même de prendre la parole lorsqu’un robot vêtu d’un costume ridiculement élégant apparut dans la pièce. Le majordome robotique, monté sur des roues très performantes, s’arrêta au centre de la pièce.
— Bonsoir, Monsieur Mardoner. Puis-je prendre vos effets ainsi que ceux de votre invité ?
Aucun des deux Animaux ne répondit, trop occupés à scruter le majordome robotique.
— C’est… c’est une putain de bombe, ça ?!
— J’en ai bien peur, Canaille.
Le majordome robotique était en effet bardé d’explosifs, tous reliés entre eux par des fils, eux-mêmes liés à un boitier numérique affichant un compte à rebours. Il restait quatre secondes. Canaille, habitué aux situations désespérées, attrapa Félix et se jeta par la fenêtre en protégeant le Chat avec son corps, servant ainsi de bouclier-Lapin. La bombe explosa avant même qu’ils atteignent le trottoir, et tout devint noir.
Quand Canaille rouvrit les yeux, il se sentait plus mort que vif. Il avait mal absolument partout, et il était complètement sourd. Il y avait une odeur de brûlé, et de la lumière émise par les flammes qui se déchainaient sans aucun doute derrière lui. En réalisant que le Lapin écrasait le pauvre Félix de sa carcasse fumante, il se força à se redresser pour vérifier si le Chat allait bien. Le patriarche de la famille dirigeante des Chats était inconscient, mais il paraissait avoir été quand même relativement épargné par l’explosion. Difficilement, Canaille se redressa, et il se retourna pour constater que la bombe avait été suffisamment puissante pour anéantir un pan entier de la gigantesque maison de Félix. Il jura avant d’essayer de se relever. Malheureusement, sa vision se troubla et il retomba par terre. Il eut la désagréable impression d’être le personnage principal d’une saga de films qui, après avoir roulé des muscles et tué tout ce qui bougeait pendant sept films, tirait sa révérence définitive dans le huitième. Lorsque l’énorme silhouette menaçante de Royal Kelensor sortit de nulle part et se mit à avancer vers lui, Canaille eut la désagréable impression que oui, il allait crever au bout de huit films, pour céder sa place à un autre héros, dont il aurait été le mentor, qui vengerait sa mort et finirait par avoir la peau de Royal. Bon, en cet instant, il ne voyait pas vraiment qui lui succéderait, mais il était pratiquement sûr qu’Eclipse le vengerait. Et réussirait. Il l’espérait, en tout cas. Vengé par sa propre mentore — également Tante voire même Maman adoptive — pouvait donner lieu à un bon scénario.
Oui, il pouvait visualiser clairement l’affiche de ce film :
Royal sortit Canaille de ses pensées promotionnelles en braquant une énorme arme de poing sur lui.
— Honnêtement, j’aurais aimé avoir le plaisir de mieux te connaître, Canaille : tu avais l’air d’un adversaire digne d’un intérêt.
— Va te faire foutre, connard !
Au moment où Royal allait répondre en faisant sauter la cervelle du Lapin, un projectile siffla dans l’air et vint de loger dans son avant-bras. Le Dindon hurla de douleur et de surprise et lâcha aussitôt son arme. Vaguement, Canaille réalisa qu’il s’était pris une flèche, mais il ne chercha pas à en savoir plus avant de se jeter sur Royal. Affaibli comme il était, le Lapin n’avait AUCUNE chance. Il était persuadé, cependant, que le Dindon avait sur lui un appareil lui permettant de contrôler les champs magnétiques et le rendant ainsi immunisé aux balles. Il fallait juste qu’il arrive à le lui prendre ou à le casser, et il pourrait ensuite se jeter sur son pistolet qui gisait à quelques pas de lui et plomber cet enfoiré de plusieurs balles dans sa sale tronche. Lorsque Royal frappa Canaille au visage, plusieurs pensées traversèrent l’esprit du Lapin :
- Le poing du Dindon était une véritable massue.
- Canaille avait probablement une commotion à cause de l'explosion.
- Le Dindon avait un drôle de dispositif électronique à la ceinture.
Canaille se releva étonnamment vite, et il se jeta une nouvelle fois sur le Dindon, avec un objectif clair, cette fois-ci : lui prendre ce dispositif mystérieux. Un coup de poing — une massue, vraiment — dans le ventre le coupa net dans son élan, mais Canaille était résilient et il ne recula même pas, se contentant de tousser un peu en mettant un violent coup de pied dans un tibia du Dindon. Celui-ci n’en fut pas vraiment ébranlé, et la pluie de coups qui suivit envoya Canaille à terre.
—JE SUIS TOUJOURS LÀ !
Le Lapin et le Dindon firent volte-face, et Canaille comprit enfin d’où provenait la flèche qui lui avait sauvé la vie un peu plus tôt : Sweetie Mardoner, armée d’un arc en bois avec des flèches également taillées dans du bois, et uniquement dans du bois. Pas de pointe en métal. Le Dindon, nullement impressionné, leva un sourcil alors que l’actrice essayait de préparer un nouveau tir. Ses bras tremblaient, et elle avait du mal à bander son arc. Elle n’allait pas réussir, et le tueur à gages eut un ricanement moqueur. Il allait réduire Sweetie en poudre, littéralement. Canaille profita de la diversion offerte par la Mardoner pour se jeter sur le dispositif électronique du Dindon, et l’arracher violemment. Immédiatement, le tueur à gages hurla de rage et chargea Canaille comme un troupeau de buffles énervés. Il percuta le Lapin et lui coupa le souffle — en plus de réduire en purée la moitié de ses os, et Canaille n’avait pas l’impression d’exagérer en affirmant cela. Le dispositif décolla et il y eut un craquement sinistre qui fit hurler le Dindon, de plus en plus enragé. Le craquement sinistre suivant fut celui des os du visage de Canaille soumis à la force des poings du tueur à gages, mais la pluie de coups stoppa avant d’avoir vraiment commencé quand Canaille réussit à le repousser d’un puissant coup de pied en plein sternum. Le Lapin se jeta ensuite sur son pistolet, qui se trouvait à quelques centimètres de lui. Lorsqu’il se releva pour braquer Royal, Canaille jura. Déjà, il avait la tête qui tournait et envie de vomir, ensuite, le Dindon tenait Félix comme un pantin désarticulé, en braquant une arme à feu sur sa tempe. Le Chat était trop petit pour servir de bon bouclier-Animal, mais si Royal était touché, même d’une balle en pleine tête, il n’aurait aucun mal à emporter Félix dans la tombe avec lui en appuyant sur la détente. Lentement, le Dindon se déplaça vers le dispositif et le ramassa, réussissant à tenir Félix et à le menacer en même temps, ce qui était plutôt impressionnant, il fallait bien l’admettre. Une voiture déboula de nulle part, venant se placer entre Canaille et Royal, et en quelques secondes, elle démarra en emportant le Dindon et le Chat. Sweetie poussa un hurlement, et décocha une flèche qui cassa un phare de la voiture. Cela ne suffit pas à l’arrêter, malheureusement, et en quelques secondes, elle était hors de vue.
C’était vraiment, vraiment la merde.
Et hop, chapitre 4 publié ! Et il se finit sur un beau petit cliffhanger (pauvre Félix, T.T)!
Les messages ont été faits à partir d’un générateur en ligne, avant d’être retouchés sur Canva. L’affiche a été faite sur Canva.
On se retrouve vite pour le chapitre 5 ! 🙂